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bigot, cela est certain, mais il ne proche guère. » Ainsi, à mesure que la femme devenait plus sérieuse, le mari devenait moins prêcheur, et l’harmonie régnait chaque jour davantage entre eux.


II

Durant ces années de 1709 à 1711, plusieurs événemens se succédèrent à la Cour, heureux ou tragiques, qui grandirent encore la situation de la Princesse et du Prince et tournèrent vers eux tous les yeux.

La Duchesse de Bourgogne n’avait qu’un fils, le Duc de Bretagne, le premier enfant qu’elle avait mis au monde étant mort peu de temps après sa naissance. Au milieu de l’année 1709, on sut qu’elle était de nouveau grosse. Cette fois elle prit de grandes précautions pour que sa grossesse se terminât heureusement. A la vérité elle ne laissait pas de regretter un peu de se trouver dans cet état : « Vous me reprochés qu’il y a du temps que je n’ai eu d’enfans, écrivait-elle à sa grand’mère, et je ne saurois mieux faire pour vous obéir que d’estre grosse, mais je vous avoue que j’aurois bien voulu n’estre pas si ponctuelle à de pareils ordres[1]. » Elle évitait les routes pavées, les fatigues excessives, renonçait au cheval, et passait beaucoup de temps au lit. A partir du commencement de février, l’anxiété devint grande, car on la savait à terme. Le Roi, qui considérait comme une des fonctions de son devoir royal d’assister aux couches de ses belles-filles ou belles-petites-filles conservait toujours ses habits auprès de son lit afin de pouvoir se rendre auprès d’elle dès qu’il serait appelé. Le samedi 15, à sept heures, on vint le réveiller, la Princesse ressentant les premières douleurs. On eut un moment de crainte, les couches s’annonçant difficiles ; mais Clément, l’accoucheur ordinaire des princesses, qui revenait précisément d’Espagne où il avait été donner des soins à la Reine, prit, assure le Mercure (qui entre dans beaucoup de détails), ses mesures si habilement que les choses se passèrent au mieux. A huit heures un quart, la Duchesse de Bourgogne accouchait d’un garçon, « ce que les faiseurs d’horoscope seront bien aises d’apprendre, ajoute le Mercure, et qu’il a de tous temps

  1. Archives de Turin.