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Caylus. Mais elle ne devait pas tarder à en déchanter. Un peu effrayé de l’ardeur et de la précocité de son fils, le duc de Richelieu avait cru sage de le marier avec une fille de sa troisième femme, la marquise de Noailles, qui avait trois ans de plus que lui. Cette fille était, d’après Mme de Maintenon elle-même, « laide, bien faite et raisonnable. » C’est dire qu’elle n’avait rien de ce qu’il fallait pour tenir un époux de cette sorte. Aussi, après avoir témoigné pour l’épouse qui lui avait été donnée malgré lui d’un dédain blessant, le jeune duc de Fronsac n’avait-il pas tardé à se faire connaître par l’éclat de ses galanteries. C’était surtout dans le petit cercle de la Duchesse de Bourgogne qu’il brillait. Présenté par Mme de Maintenon, la Princesse lui avait fait bon accueil. Elle s’amusait de lui, l’encourageait dans ses folies auxquelles elle se montra peut-être trop indulgente. C’est du moins ce qu’avance Soulavie, dans sa Vie privée du maréchal de Richelieu, et dans les Mémoires où il a cru pouvoir faire parler le maréchal lui-même, mémoires assurément apocryphes, mais dont il n’est pas possible cependant de négliger complètement le témoignage, car il est certain que beaucoup de renseignemens et de documens authentiques ont été procurés à Soulavie par Richelieu lui-même. « Habitué, dit Soulavie, à trouver des beautés assez faciles, il s’imagina que les bontés dont l’honoroit Madame la Duchesse de Bourgogne étoient une preuve de son amour. Il se conduisit avec cette princesse aussi légèrement qu’il le faisoit ailleurs, et, voyant que tout lui réussissoit, il lit de nouvelles extravagances. Il auroit dû se perdre, mais la Duchesse de Bourgogne le trouvoit aimable. Elle le regarda comme un enfant étourdi dont il falloit excuser les inconséquences. Elle s’en amusoit, et c’est peut-être un tort dans cette princesse qui donna lieu à la calomnie de s’armer contre elle[1]. » Fronsac poussa l’inconséquence jusqu’au scandale. Que fit-il exactement ? Cela est assez difficile à dire. Suivant Soulavie, un soir qu’il devait y avoir compagnie chez la Duchesse de Bourgogne, il se cacha sous le lit. Quand il y fut découvert, il donna comme excuse qu’il avait voulu entendre ce que les dames diraient de lui. Suivant Rulhière, qui reçut lui aussi, sur le tard, les confidences du Maréchal, « assistant un jour à la toilette de la Duchesse de Bourgogne, au moment où on faisoit retirer les

  1. Vie privée du maréchal de Richelieu contenant ses amours et ses intrigues, édition de 1791, p. 26.