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service y serait de neuf ans, desquels il fallait déduire quatre ans pour ceux qui venaient de la réserve. Elle serait uniquement destinée à la défense intérieure des côtes et des forteresses ; elle fournirait 400 000 hommes.

Ce projet enlevait beaucoup de sa valeur à la garde mobile. Ne contenant plus d’anciens militaires, elle n’était qu’un troupeau d’hommes sans consistance. Par compensation, la réserve gagnait une valeur qu’elle n’avait pas d’abord, puisqu’elle ne recevait que des hommes exercés, et l’idée fondamentale de l’Empereur était respectée : aucun jeune homme de la classe n’échappait plus au devoir militaire.

L’Empereur présida lui-même l’assemblée du Conseil d’État appelée à délibérer. Il ouvrit la discussion par un discours explicatif et commença par répudier la pensée que son projet eût été provoqué par la complication des derniers événemens ou par la crainte d’une guerre prochaine. C’était l’expérience des guerres de Crimée et d’Italie qui avait montré la nécessité d’augmenter nos forces. Il ne niait pas les charges qu’imposerait la nouvelle loi : « Pour présenter un semblable projet, il fallait avoir la conscience de son devoir, et être bien persuadé qu’on faisait quelque chose d’utile pour le pays, car il est impossible de se dissimuler que l’on augmenterait ainsi les charges qui pèsent sur la population. » L’exposé des motifs de Niel s’attachait encore plus à bien enlever à la loi le caractère d’une nécessité politique récente. Malheureusement s’éleva dans les esprits cette objection : Si les guerres de Crimée et d’Italie vous avaient démontré la nécessité impérieuse de fortifier notre état militaire, pourquoi ne l’avez-vous pas fait immédiatement ? Pourquoi êtes-vous resté sept années inerte, alors que les remuemens que vous provoquiez vous-même en Europe pouvaient vous entraîner dans une action militaire ?

La nécessité invoquée par l’Empereur et par Niel, quoique tardivement satisfaite, n’en était pas moins évidente. Le Conseil d’Etat adopta le projet avec quelques modifications et le Moniteur officiel le publia.


VII

Dans le monde politique s’éleva aussitôt une clameur assourdissante. On reprocha à l’Empereur de militariser la jeunesse