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dit un jour qu’un prêtre marié n’en resterait pas moins catholique, et qu’il pourrait par conséquent réclamer sa part des biens de l’association ? Tout le monde ne va pas jusque-là, et M. Caillaux lui-même en est revenu, puisqu’il a fait disparaître de l’Officiel sa phrase aventureuse. Mais il y a dans un certain milieu une tendance, plus ou moins accusée chez les uns ou chez les autres, à pousser les associations cultuelles à se multiplier par l’appât des biens terrestres qu’elles se disputeront devant les tribunaux, et à sortir peu à peu de l’Église catholique tout en prétendant y rester. Qui sera juge de leur orthodoxie ? Sera-ce le Conseil d’État ? Là est le danger. On n’a pas oublié la lettre que les cardinaux français ont écrite au Président de la République : ils y dénonçaient, dans l’institution des associations cultuelles, une tentative schismatique. L’expression nous a paru exagérée et, après le vote de l’article A qui obligeait les associations cultuelles à rester d’accord avec l’évêque, nous avons dit qu’il y avait là une garantie ; mais cette garantie est incontestablement diminuée après le vote de l’article 6 ; et si, après celui des articles qui se rapportent à l’organisation des associations cultuelles, on a fait d’elles une foule comme le veulent quelques personnes, au lieu d’associations restreintes dans le sens ordinaire du mot, cette garantie n’existera plus du tout.

Alors la loi elle-même sera atteinte parce que les catholiques ne l’accepteront pas. La Chambre se sera mise sur la pente qui conduit à la constitution civile du clergé et à la persécution. Nous avons d’ailleurs toujours craint qu’on en vînt là, et c’est un des motifs principaux pour lesquels nous avons combattu la séparation de l’Église et de l’État ; mais nous sommes loin de souhaiter que les faits justifient nos inquiétudes. Il faut pourtant constater que la discussion de la loi a dévié depuis quelques jours, et que, à travers les obscurités qui l’accompagnent, la seule chose qu’on aperçoive d’une manière un peu distincte est la main de l’État étendue sur les biens des associations cultuelles pour les distribuer ou les reprendre à son gré. Mettons qu’il n’y ait encore là qu’une tendance : cette tendance existe et c’est un devoir d’en signaler le péril.


Une dépêche de Christiania annonce que le roi Oscar ayant refusé de sanctionner la loi sur les consulats, votée par le Parlement norvégien, les ministres ont donné leur démission dans une lettre ainsi conçue : « Si Votre Majesté n’est pas disposée à agir conformément à la demande du gouvernement norvégien qui la priée de ratifier la loi