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à lui, — et aussitôt les gouttelettes tout à l’heure séparées s’unissent en gouttes d’autant plus volumineuses que la décharge sera plus rapide et complète. Ainsi s’explique la pluie à larges gouttes qui, dans un orage, succède aux premiers éclairs ; ainsi s’expliquent encore les pluies torrentielles qui ont été constatées fréquemment pendant les grandes batailles, comme conséquence des décharges formidables d’une artillerie qui produit, — sur le ciel seulement, — les mêmes effets que l’artillerie agricole.

Ce n’est encore que la pluie. Il faut pour produire la grêle une circonstance de plus. Il faut que le nuage soit mis en contact avec une couche d’air refroidie, comme sont en effet les couches supérieures de l’atmosphère. Dans ce cas, sa température peut s’abaisser au-dessous de zéro, sans que ce refroidissement se traduise d’abord par aucun signe apparent. Les gouttelettes, quoique très froides, restent liquides. Mais qu’une circonstance quelconque vienne à mettre ces gouttes en surfusion en contact avec une parcelle quelconque de glace venant d’ailleurs ; aussitôt elles se solidifient brusquement autour de ce centre et constituent ainsi la bille de glace qui est le grêlon.

Aux conditions de l’orage qui se résout en pluie, il faut donc pour qu’il y ait grêle qu’il s’ajoute des déplacemens étendus dans le sens vertical, déplacemens qui brasseront les nuages chauds et bas avec les couches supérieures et froides de l’atmosphère. Or, tous les orages sont caractérisés par des mouvemens de ce genre. C’en est, en quelque sorte, la définition : une dépression barométrique déterminant un violent mouvement ascensionnel. On conçoit que si la décharge électrique des nuages est obtenue avant que le mouvement de brassage ait pris toute son ampleur, la grêle ne se formera plus. Est-ce par suite d’une action précoce de ce genre, d’une décharge des nuées qu’agit le canon paragrêle ? C’est ce que de nouvelles observations pourront apprendre aux physiciens. Aux cultivateurs le résultat suffit : que les nuées se mêlent avant ou après décharge ; ils n’en ont cure, pourvu que la grêle soit évitée, ils sont contens.


A. DASTRE.