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théorie, sont bien faits pour réhabiliter celle-ci et la venger des dédains dont elle est quelquefois l’objet. Toutefois, il faut ajouter que, dans l’espèce, la théorie de la formation de la grêle offre encore trop de lacunes, pour pouvoir servir de guide aux agriculteurs.

Les nuages à grêle sont assez ordinairement signalés par leur teinte noire et par l’obscurité qu’ils produisent. C’est là un effet de leur épaisseur dans le sens de la verticale, plus encore que de leur structure. Cette grande extension en hauteur, en même temps qu’elle les transforme en écrans opaques, entraîne l’existence dans leur étendue de grandes inégalités de température, les parties hautes pouvant être très froides, tandis que les parties basses sont chaudes. D’autre part, on sait que ce qui de loin est un nuage, de près est un brouillard, c’est-à-dire une masse d’air parsemée de petites gouttes d’eau. D’ailleurs, ces gouttes sont pleines, massives, et non point des bulles creuses ou des vésicules comparables à des bulles de savon comme on l’a cru longtemps. Et si l’on demande comment ces gouttes d’eau se maintiennent et flottent sans tomber, il faut répondre qu’elles ne se maintiennent pas et qu’elles ne flottent qu’en apparence ; quelles tombent, en effet, lentement à raison de leur ténuité, comme il arrive pour les poussières atmosphériques. Le nuage est un organisme en évolution ; il se détruit par le bas — les gouttelettes se vaporisant au contact des couches chaudes inférieures de l’atmosphère ; — et il se reforme par le haut, — cette vapeur, invisible parce que gaz véritable, remontant pour se condenser de nouveau au contact des couches froides supérieures. Cette masse qui sans cesse tombe et remonte, se détruit et se reforme, ne possède donc qu’une permanence illusoire. Si nos sens nous montraient la réalité, nous verrions des gouttelettes ayant chacune 1/40 de millimètre de diamètre placées à une distance cent fois plus grande, c’est-à-dire à 2 millimètres les unes des autres et tombant de 2 ou 3 millimètres par seconde.

À cette première notion il faut en joindre une autre. Un nuage est toujours électrisé, d’une façon ou de l’autre, positivement ou négativement. Son électrisation résulte de causes diverses — frottemens, influence, — auxquelles s’est ajouté, ces derniers temps, l’écoulement d’électricité négative produit par la partie ultra-violette des rayons du soleil. Si les gouttelettes du nuage restent séparées et distantes les unes des autres, c’est par suite de la répulsion électrique qui écarte les corps légers chargés d’électricité de même nom. Que le nuage soit déchargé de quelque façon, par le gaz chaud et ionisé provenant du canon paragrêle ou par le contact avec un nuage chargé contrairement