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résuma les enseignemens qui ressortaient légitimement de cette expérience très étendue.

Expérience très étendue, sans doute, mais encore insuffisante pour permettre un jugement. On constate, en effet, que le rapporteur s’est gardé de toute conclusion ferme. Très prudemment, il s’est contenté de déclarer que, parmi les faits observés, il y en a qui justifient la grande lutte entreprise. De son côté, l’assemblée se borne à affirmer que « la défense contre la grêle mérite l’attention et l’étude des savans, la confiance et les espérances des agriculteurs. »

Rien de décisif, comme on voit. C’est qu’en effet, il n’était pas possible d’être plus explicite après une seule campagne. Il faut une expérience répétée, portant sur une longue série d’années, pour asseoir une conclusion définitive. Il y a trop d’inégalité dans les ravages de la grêle et des orages d’une année à l’autre, pour permettre de décider si une diminution des dégâts occasionnés dans une campagne de lutte ou même dans un petit nombre de campagnes successives, est imputable aux moyens employés ou simplement au cours naturel des choses. La comparaison doit porter sur une période suffisamment longue pour éliminer ces inégalités. — La statistique des ravages avant et après protection ne pourra avoir de valeur que si elle embrasse une durée de plusieurs années.

L’observation des suites immédiates du tir n’apporte pas plus de clarté. Au contraire ; la plupart des cultivateurs engagés dans la lutte sont invinciblement poussés, si elle tourne bien, à attribuer la victoire à leurs efforts. Ils rapportent à leur artillerie tous les effets favorables qui succèdent au bombardement. C’est le vice de raisonnement ordinaire : post hoc, propter hoc. Un orage, inquiétant par la noirceur des nuées, par la violence des éclairs, par la continuité et le rapprochement des roulemens du tonnerre, s’approche-t-il d’une localité bien défendue ? Les canons entrent en scène : le tir a lieu, répété, méthodique. Bientôt les nuages se résolvent en une pluie bienfaisante, les coups de tonnerre s’espacent, l’orage se dissipe sans avoir réalisé ses menaces. Est-ce le tir du canon, — demanderons-nous avec le rapporteur, — qui a fait avorter l’orage ? Qui peut l’affirmer, puisque ces avortemens se produisent fréquemment, en l’absence de toute intervention.

L’intéressé cependant l’affirme. Il a vu de ses yeux : il a constaté l’approche de l’ennemi menaçant, du nuage obscur, avant-coureur de la grêle ; il l’a canonné, il a assisté à sa fuite. Qu’est-ce donc qu’une victoire, si ceci n’en est pas une ? — Les choses, au contraire,