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soirées d’été, des soldats-laboureurs canonnant les sombres nuées dont les flancs recèlent en germe la grêle redoutée ; tandis qu’un peu plus tôt, pendant les nuits trop claires et trop froides du printemps, ces mêmes éventreurs de nuages orageux, s’efforçant à une besogne contraire, formaient des nuages artificiels pour préserver le sol du rayonnement nocturne et de la gelée mortelle aux jeunes plantes. De façon ou d’autre, c’est toujours la lutte : c’est, en toute saison, une activité merveilleuse qui se déploie partout, avec l’espoir, la conûance, la conviction de triompher de la nature contraire.

Les agriculteurs ont donc entamé enfin contre les calamités météorologiques, gelée et grêle, ce que l’on a appelé la« lutte scientifique. » Il est intéressant de rechercher avec quel succès possible et avec quel succès effectif. Laissant de côté, pour un moment, la question des gelées printanières, nous réserverons notre attention à la lutte contre la grêle, envisagée non pas dans tous ses détails et sous tous les aspects, agricole, économique, financier, qu’elle revêt, mais au seul point de vue de son fondement rationnel et purement scientifique.


I

L’organisation de la lutte contre les orages, qui a pris dans notre pays un développement si remarquable, est d’origine récente. Le mouvement actuel remonte à quatre ans à peine. Il a débuté en 1900 dans le Beaujolais dont le vignoble occupe une partie du département du Rhône. C’est en cette année 1900, que fut fondée à Denicé la première société française. Dès l’année suivante, dix-sept sociétés nouvelles venaient se grouper autour de celle-là. Cet accroissement rapide était dû à l’annonce des résultats merveilleux qu’on disait avoir été obtenus en Italie par le tir contre les nuages orageux. Des congrès s’étaient réunis à Casale-Montferrat, en 1899, et à Padoue, en 1900. La Société de viticulture de Lyon y avait été représentée par deux de ses membres les mieux qualifiés, MM. Joseph Chatillon et Benoît Blanc, président et vice-président du Syndicat agricole de Villefranche. A Padoue, ces éminens viticulteurs furent témoins de l’enthousiasme débordant avec lequel on célébrait la victoire du canon sur le nuage.

Les délégués français à ces réunions internationales entendirent proclamer, sur le mode lyrique, l’infaillibilité du tir comme moyen de protection contre la grêle. Partout le succès avait été merveilleux. Les stations de tir se multipliaient. On annonçait que la Haute Italie, à elle seule, en comptait près de 15 000 réparties dans toute son