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REVUE SCIENTIFIQUE

LA LUTTE CONTRE LA GRÊLE

Parmi les innombrables calamités qui atteignent l’agriculture, il y en a deux qui sont particulièrement redoutées : ce sont, au début du printemps, les « gelées de la lune rousse, » et, pendant tout le cours de la belle saison, les « orages à grêle. » — L’un et l’autre de ces fléaux, le dernier surtout, ont des conséquences lamentables ; on peut dire, sans exagération, qu’ils sèment sur leur passage le découragement, la misère et la ruine. Le cultivateur, le vigneron, le maraîcher atteints par le sinistre voient s’évanouir, d’un coup, l’espoir de la récolte prochaine : leurs travaux de toute une année, leurs dépenses, leurs peines sont anéantis en un moment. Chacun, jusqu’ici, était réduit à compter sur sa bonne chance, pour échapper à ces désastres. D’essayer de lutter, il n’en était pas question. Que faire contre des forces naturelles, contre des fatalités météorologiques ? Il semblait qu’il n’y eût qu’à se résigner.

Depuis quelques années, ce découragement n’est plus de mise : au fatalisme résigné d’autrefois a succédé une sorte d’ardeur guerrière. On a cru la lutte possible, avec l’aide de la nature, contre la nature même. Des associations agricoles, des syndicats se sont formés, dans beaucoup de pays, pour combattre les gelées et les orages. Aujourd’hui, des milliers de canons pacifiques, tournés vers le ciel, hérissent les vignobles de la Suisse, de l’Italie, de l’Autriche et de la France : pour ne parler que d’une de nos régions vinicoles, le Beaujolais n’a pas compté moins de 462 canons mis en batterie pendant le cours de la campagne dernière. On a pu assister à ce spectacle : dans les lourdes