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tombe de leurs chefs. Mais ce tas de pierres a été revêtu d’un cylindre en maçonnerie, surmonté d’un entablement et flanqué de colonnes à chapiteaux ioniques. Le cœur de l’édifice est barbare, la carapace en est toute latine.

Après le musée, il ne reste plus guère à visiter, dans Cherchell, que les Thermes de l’Ouest, — le « Palais du Sultan, » comme l’appellent les indigènes. Il y a bien aussi un théâtre et un cirque, dont les vestiges précaires s’éparpillent à fleur de sol. Mais les quelques moellons qui en subsistent sont si peu de chose, en comparaison de ces Thermes !

Des constructions modernes les recouvrent en partie : d’un côté, la prison civile ; de l’autre, la manutention militaire. Néanmoins tout incomplets et démantelés qu’ils sont, ils offrent la ruine la plus intéressante, à coup sûr la plus imposante, de Césarée. Cet amas de décombres a l’air d’une forteresse désaffectée. Très probablement l’édifice entier serait aujourd’hui debout, si les hordes d’envahisseurs qui se sont succédé en Afrique ne l’avaient tour à tour saccagé. Il suffit d’examiner ces pans de murs épais, véritables agglomérats de petites pierres et de cailloux noyés dans un ciment indestructible. On dirait des quartiers de roches, roulés au bas d’une falaise. Pourtant l’appareil de la bâtisse, si extraordinaire qu’il soit, ne vous frappe pas autant que l’ordonnance intérieure. On la devine encore assez facilement. C’est ici qu’il faut venir pour juger de l’ampleur et de la Somptuosité des thermes antiques, et en même temps pour savoir quelle entente ingénieuse de la commodité, quel instinct subtil de tous les raffinemens, quelle esthétique voluptueuse présidait à l’aménagement de ces bains, aussi magnifiquement décorés que nos palais, aussi hospitaliers, aussi vivans que nos cercles et nos cafés modernes, et, sans en avoir la banalité, capables de satisfaire le goût d’une race d’hommes avant tout amoureuse de loisirs et de beaux spectacles.

On entrait dans les grands thermes de Cherchell par un portique de granit vert, dont les colonnes, hautes de huit mètres, étaient couronnées de chapitaux ioniques. Delà, on pénétrait dans le frigidarium, la salle des bains froids, — vaste pièce toute pavée d’onyx et où se dressaient quatre colonnes de granit qui