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intensité presque insoutenable à l’œil. Toutes ces formes blanches paraissent bouger sur leurs socles, et tous leurs pores se dilater, pour boire l’air et la lumière.

Un halo de nacre tremble autour des lignes qui se fondent moelleusement dans l’atmosphère ambiante. Des veines de flamme s’entre-croisent sur les beaux seins des déesses, les rondeurs des épaules se nuancent du plus doux orient des perles ; les torses des dieux marins luisent, comme aspergés par la rosée des vagues. On s’approche, on touche ces corps olympiens qu’a pénétrés l’ardeur du jour et qui ont la mollesse à la fois brûlante et fraîche d’une chair en sueur. Par les cassures du marbre, ainsi que par la bouche béante d’une plaie, on voit au vif la pure matière dont ils sont pétris : cela est léger et compact comme un pain de froment, immaculé comme la neige, scintillant comme le mica, étoile et bleuâtre comme le diamant !

Sincèrement, j’aime mieux ces anonymes, mais vivantes effigies, sous ces hangars, au milieu de cette cour pareille à un chantier de démolition, que les plus célèbres statues, dans toute la morne pompe de notre Louvre. Quelle nécropole que ce palais, où il fait sombre en plein midi et où l’on a froid au cœur de l’été ! C’est le crépuscule des dieux, dans les limbes de l’Hadès ! Ici, au contraire, la fête païenne se continue à la face du ciel, et la nudité des Immortels s’épanouit dans la splendeur des saisons !

Il faut s’en tenir à cet éblouissement de l’entrée et ne point regarder de trop près ces sculptures, dont il n’y en a pas une qui soit vraiment supérieure. Mais, si ce ne sont point des chefs-d’œuvre, beaucoup d’entre elles sont du moins des copies de chefs-d’œuvre. Ce jeune satyre qui porte une peau de panthère sur son épaule, cette Vénus sortant des flots, le type original en a été inventé par Praxitèle. Cet Apollon, d’une raideur encore toute primitive, à la chevelure divisée en boucles symétriques, il a été exécuté d’après celui de Calamis. Ces deux hautes statues de femmes, drapées dans des tuniques aux plis nombreux et réguliers, nous en reconnaissons le style : c’est celui de Phidias. La grandeur sereine du maître athénien respire encore dans ces décalques affaiblis. Ainsi les images les plus familières de l’art hellénique nous accompagnent sans cesse, à travers ce petit musée de Cherchell. Le monde antique tout entier y est représenté comme en raccourci. Voici une statue égyptienne, en pierre