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saigner un poulet sans nécessité. » On oubliait que, dans ce charmant discours, il semblait que l’orateur prît plaisir à se démentir à chaque instant ; qu’il y plaidait pour un homme qu’on accusait d’avoir violé la loi Tullia, c’est-à-dire une loi qu’il venait lui-même de faire et qui portait son nom ; qu’il y soutenait fort spirituellement qu’un soldat est plus important pour la République qu’un homme qui ne s’occupe que des arts de la paix, à la veille du jour où il allait écrire le fameux vers : Cedant arma togæ. Mais les contradictions ne lui coûtaient guère, et on ne lui en tenait pas rigueur ; Murena fut acquitté.

La lutte était donc finie ; Catilina n’avait plus aucun moyen de rester dans la légalité, et il se trouvait définitivement enfermé dans sa conjuration.


II

Puisqu’elle va devenir désormais sa seule occupation et sa dernière ressource, c’est le moment, à ce qu’il me semble, de l’étudier de plus près, et d’en préciser, s’il se peut, le véritable caractère.

Le programme de Catilina n’a pas été probablement conçu d’un seul coup et il a dû se modifier selon les circonstances. On peut soupçonner, par exemple, qu’il n’était pas tout à fait le même pendant ses candidatures qu’après son échec. Cependant Salluste laisse entendre qu’au fond ses intentions n’ont guère changé, et que, candidat ou non, il se proposait d’aller reprendre à cette poignée de privilégiés qui s’était installée dans les hautes charges de l’Etat la fortune qu’elle y avait gagnée, pour la donner à ses amis : « Voilà, lui fait-il dire, quand il les réunit pour la première fois, ce que je ferai avec votre aide, quand je serai consul. » Ce qui signifie clairement que le consulat n’était pour lui qu’un moyen de réaliser plus aisément ses projets antérieurs. Mais si au fond les projets restaient les mêmes, il est évident qu’étant au pouvoir, tout lui eût été plus facile, et qu’il n’aurait pas eu besoin de recourir aux mêmes violences. Dans tous les cas, s’il a changé, il ne nous est pas possible de tenir compte de ces variations que nous ignorons entièrement. Bornons-nous à connaître ses derniers desseins, ceux qu’il a formés quand il n’avait plus aucun ménagement à garder.

Les contemporains, quand ils nous parlent de la conjuration,