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Ce second Empire, ce n’était déjà plus l’époque héroïque de la conquête. Mais quels pimpans et brillans souvenirs il évêque aux imaginations des vieux Africains !

Les paupières fermées, j’y rêve longuement, avant de m’assoupir. Je songe à l’éblouissement que ce dut être pour les jeunes officiers qui débarquaient alors sur cette terre barbaresque encore frémissante de révolte et qui venaient y chercher la gloire avec les plus poétiques spectacles que puisse offrir un pays vierge et tout resplendissant de couleur et de lumière ! Je revois les fêtes, les parades militaires, les chevauchées et les razzias ! Comme je l’envie, le jeune chasseur d’Afrique, qui faisait, en ce temps-là, ses premières armes !… C’est à la veille d’un départ pour les oasis sahariennes ou la Kabylie insoumise ! Taille de guêpe, moustache au vent, je le vois valser au Palais d’Eté, sous les ombrages illuminés de Mustapha, tandis qu’à l’extrémité des salons en enfilade, entre les hautes tiges des palmiers, se dressait la stature martiale d’un Randon ou d’un Pélissier plastronnant sous ses décorations et ses chamarres : vivant symbole de tous les futurs triomphes pour un cœur de vingt ans !… Mon Dieu ! comme le monde devait paraître beau à ce jeune homme, et l’avenir radieux de promesses !…

Ces fantômes d’une génération déjà aux trois quarts disparue, ils me hantent encore au réveil. Ils trouvent un cadre si naturel dans un pays tout plein de leurs exploits et dont les villages portent les noms des batailles napoléoniennes : Novi, Marengo, Castiglione ! Une foule de similitudes, de correspondances historiques, d’associations d’idées me conduisent sans cesse de l’Afrique de Napoléon III à l’Afrique latine des Auguste et des Septime Sévère ; et c’est l’imagination tout éblouie par la majesté impériale et par la gloire romaine que je pars à la découverte de l’antique Césarée de Maurétanie.


Hélas ! la ville moderne n’a plus guère à montrer que son Esplanade ! C’est un assez vaste quadrilatère sur un plateau rocheux qui surplombe le rivage. Des bellombras d’une poussée vigoureuse y forment un superbe massif de verdure. Entre les feuillages et les branches tordues des arbres, je distingue l’éclair