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de dissimuler ses projets. Dans une séance du Sénat. Caton l’ayant menacé de le traduire devant les tribunaux, il répondit fièrement : « Si l’on essaye de mettre le feu à l’édifice de ma fortune, j’éteindrai l’incendie sous les ruines. » Vers le même temps circulèrent des propos violons, pleins de menaces, qu’il aurait tenus dans une réunion des gens de son parti, et qui répandirent l’alarme dans Rome. Cicéron, qui était parfaitement informé de tout, résolut d’en profiter. C’était justement la veille de l’élection ; il demanda qu’elle fût retardée, alléguant sans doute qu’il pourrait être dangereux d’y procéder le lendemain. Le Sénat y consentit avec empressement. Il paraissait plein de bonne volonté, décidé à prendre des mesures énergiques ; mais quand, deux jours après, il se réunit de nouveau, ses dispositions n’étaient plus les mêmes : la nuit avait porté conseil. Cicéron ayant demandé à Catilina de s’expliquer sur les paroles qu’on l’accusait d’avoir dites, il ne prit pas la peine de les démentir ou de nier les desseins qu’on lui prêtait, et répondit avec arrogance « : Il y a deux corps, dans la république, l’un qui est faible, avec une tête qui ne vaut pas mieux que lui ; l’autre est plein de force, mais il n’a point de tête. En reconnaissance de ce qu’il a fait pour moi, c’est mon devoir de lui en servir, tant que je vivrai. » Ces provocations furent accueillies par des murmures unanimes, mais personne n’osa proposer de le mettre en jugement, et il sortit avec un air de triomphe.

On ignore l’époque où se fit l’élection, mais du moment que Catilina n’était pas poursuivi, il n’y avait pas de raison de la reculer indéfiniment ; elle dut avoir lieu au mois d’août ou de septembre. Catilina conserva jusqu’à la fin son assurance. Il marchait la tête haute, la figure joyeuse, au milieu de cette brillante jeunesse qui le suivait partout, escorté de délateurs et d’assassins, fier de traîner après lui tout une armée de gens qui lui étaient arrivés d’Arretium et de Fæbulæ ; car il avait fait venir d’Etrurie pour la circonstance Manlius avec une partie des siens. Il espérait bien que l’élection ne se passerait pas sans quelque bataille, et surtout, il avait donné l’ordre que le consul n’en sortît pas vivant. Mais Cicéron était prévenu et il avait pris ses précautions ; tous les jeunes chevaliers formaient comme une garde autour de lui. Pour montrer aux conjurés qu’il n’ignorait pas leurs projets et faire connaître aux bons citoyens que sa vie était menacée, il s’était couvert d’une cuirasse brillante qu’on entrevoyait sous sa