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partition était d’un compositeur allemand, depuis longtemps fixé à Genève, qui lui a dû une bonne partie de son développement musical, Hugo de Senger. Les musiciens furent unanimes à la trouver supérieure aux précédentes, surtout dans la partie sérieuse, où une orchestration savante et puissante soutient de belles phrases mélodiques. Le public applaudit surtout les morceaux de franche couleur populaire, comme le Chœur des Jardiniers et des Moissonneurs, le Chant de la noce, etc., qu’on entend encore aujourd’hui chanter souvent dans les villages vaudois[1]. De nouveaux poètes ont collaboré au livret : Mlle I. Kaiser, MM. A. Egli, J. Besançon, G. Renard, etc. ; mais le plan général est resté le même, et les changemens de détail sont de peu d’importance. Il faut noter cependant la disparition presque complète du patois, dont l’importance a constamment décru depuis le dernier siècle. Il n’y a plus, dans ce parler pittoresque, que deux chansons des Vignerons, de Dénéréaz et de L. Favrat, et le Ranz des Vaches qui eut, comme toujours, les honneurs de la journée : un notaire fribourgeois, M. Currat, qui l’interpréta avec beaucoup d’autorité et de poésie, en resta célèbre et continua dès lors à le chanter dans toutes les fêtes populaires du pays. On fit également grand accueil au joli morceau du Devin du village : « Allons danser sous les ormeaux, » que de Senger avait eu l’excellente idée d’intercaler dans la scène de l’Orage ; au charmant Chœur du Printemps : « Jeunesse de l’année, » qui survivait de la partition de Grast ; à la traditionnelle valse du Lauterbach, que danse la noce.

Comme aux fêtes précédentes, le piétisme et le rigorisme s’agitèrent. Le Journal religieux de la Suisse romande[2] y releva, non sans amertume, un « mélange de mythologie et de théisme, » tout en reconnaissant qu’un « courant général » ne s’était pas « formé dans le sens de l’approbation, ni dans le sens de la désapprobation. » A l’en croire même, la préparation du spectacle ne s’était point faite « sans difficulté. »

« Quelle est la valeur exacte de cette grande représentation au point de vue agricole et au point de vue patriotique ? se demandait en terminant l’auteur de cet article aigre-doux. C’est ce que nous ne saurions dire ; mais nous pensons cependant ne rien

  1. J’ai rendu compte de cette fête dans le Temps des 8 et 10 août et je l’ai décrite en la prenant pour cadre d’un chapitre de mon roman Là-Haut.
  2. Article signé E. J.