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avait donné des jeux dont on se souvenait, enfin Licinius Mure-na, lieutenant de Pompée, dont le père avait servi avec honneur sous Sylla en Asie, et triomphé de Mithridate. Le succès de Silanus paraissait certain : c’était un de ces hommes de second ordre qui n’inquiètent personne. Sulpicius l’emportait par son illustration sur tous ses rivaux, mais il était surtout apprécié des gens instruits et des lettrés, qui lui savaient gré d’avoir essayé d’introduire un peu de philosophie dans le droit romain. Malheureusement c’est un genre de mérite auquel le suffrage universel devait être peu sensible. De plus, on lui reprochait quelques-uns des défauts de sa profession, un respect peut-être trop scrupuleux de la légalité et un esprit de chicane. Il voyait des délits partout et menaçait sans cesse les gens de leur faire des procès. Il obtint que Cicéron, son ami, fît voter une loi nouvelle et plus rigoureuse contre la brigue, quoiqu’il y en eût déjà un très grand nombre qui ne passaient pas pour très douces. Cette loi, qui prit le nom de son auteur (lex Tullia, de ambitu), aggravait les peines prononcées contre les candidats qui se permettaient de donner dus jeux et des festins au peuple, ou payaient les pauvres gens pour leur faire cortège, et, s’ils en étaient convaincus, les condamnait à l’exil. Malgré ses menaces, la loi Tullia ne fut pas plus efficace que les autres, — on n’a pas encore trouvé le moyen de supprimer les fraudes électorales ; — elle n’eut d’autre résultat que de montrer les inquiétudes de Sulpicius et d’éloigner de lui ceux qui ne votent volontiers que pour les candidats qui ont des chances. Murena, au contraire, qui était un soldat, menait la campagne électorale avec plus de rondeur et d’adresse ; il devait plaire à la populace par l’ascendant qu’exerce toujours sur elle la décision et la belle humeur. Il est bien probable aussi qu’il avait moins de répugnance à répandre sur ceux qui en avaient besoin quelques libéralités opportunes. Habile à se tenir sur les confins de la loi, il fit donner des jeux et offrir des repas au peuple par ses amis et ses parens ; enfin, il sut se servir à propos du nom de Pompée, son général, qui était alors très populaire, et du prestige de la guerre d’Orient, qui venait de s’achever d’une manière si glorieuse.

La lutte électorale, dont nous ne connaissons pas tous les incidens, dut être très vive. Catilina payait d’audace. Soit par une sorte de forfanterie qui lui était naturelle, soit qu’il entrât dans ses vues d’effrayer de plus en plus les peureux, il ne prenait pas la peine