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pourtant par s’accommoder. On arrive au grand jour. On règle le détail des troupes et des stations ; comme le conseiller Walther s’est donné beaucoup de peine, on lui marque une place d’honneur dans le cortège, où il « portera à son chapeau un grand panache blanc afin d’être distingué dans la foule et sans doute acclamé[1]. »

Ces brillans préparatifs, qui promettaient à la fête un éclat inaccoutumé, ne laissaient pas d’inquiéter les âmes pieuses, puisqu’on allait célébrer les « faux dieux, » et de soulever certaines protestations. C’était l’époque du Réveil : les couplets bachiques ne pouvaient manquer d’en contrarier les aspirations rigoristes. Nous trouvons l’écho de ce conflit dans un article de la Gazette de Lausanne[2], qui s’efforce de concilier les deux tendances, en rappelant que la fête des Vignerons est avant tout une fête « utile : »

«… Il ne s’agit point d’éblouir, mais d’être utile ; de séduire l’imagination, mais de parler au cœur. Deux vignerons seront couronnés, plusieurs autres distingués par des marques d’honneur. On aimera ainsi contempler cette fête comme une production de notre climat et de nos mœurs. Sous le voile des allégories, on aimera trouver l’agriculture honorée, la vertu respectée, et, même dans le bruit du plaisir, au travers des prestiges des arts, on n’oubliera peut-être pas que le travail est le premier devoir de l’homme, et que ce premier travail est celui de la terre. »

La fête tint ses meilleures promesses. Une estrade, qui contenait 2 000 spectateurs, avait été dressée sur la place du Marché, au bord du lac. C’est là qu’eut lieu la représentation principale, dont les traits essentiels fixèrent le caractère permanent du spectacle. Si l’on parcourt le livret[3] sans avoir assisté à aucune des fêtes qui suivirent, on aura quelque peine à s’en représenter l’effet : les couplets, qui ont toujours été la partie la plus faible de l’œuvre, étaient en effet particulièrement médiocres. Mais l’indication détaillée des danses, qui les accompagne, permettrait jusqu’à un certain point de rectifier cette impression de lecture. A coup sûr, il y a peu d’agrément à lire des vers comme ceux-ci :

  1. Manual, 2 août 1819.
  2. 19 juillet.
  3. Description de la Fête des Vignerons célébrée à Vevey, le 5 août 1819.