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Le bailli eut mille raisons d’être très parfaitement satisfait, et transmit à Berne le rapport le plus favorable : on avait évité les allusions politiques ; le lieutenant-colonel Chastelain s’était distingué dans le commandement des cent hommes qui renforçaient la police ; des patrouilles avaient parcouru la ville toute la nuit, et fouillé sans rencontrer de résistance les auberges par trop bruyantes : et si tout avait bien marché, le mérite en revenait moins à ses « faibles dispositions » qu’à l’esprit excellent de la population[1].

Pourtant, cette population si bien disposée était à la veille de briser son joug, et l’excellent bailli ne s’en doutait pas…

Les frais de la fête s’étaient élevés à 3 4641., 12 s. ; les « reçues » à 3 2081., 18 s., 3 d.


III

Il n’est pas question de parades pendant les années qui suivent : le pays de Vaud s’émancipe enfin de la domination bernoise, organise son indépendance, subit le contre-coup des bouleversemens de l’Europe. Vevey, pour son compte, voit défiler à la fin de 1798 les vingt mille hommes de la division Schauenbourg, et sur la place du Marché, où gambadaient jadis les Faunes et les Bacchantes, le général Bonaparte passe en revue 6 000 des soldats qu’il va conduire en Italie, à travers les neiges du Saint-Bernard[2]. On traverse une période où l’art de la guerre prime celui de l’agriculture, où coule un autre jus que le jus des raisins, où il n’y a point de loisir pour les banquets ni pour les mascarades. Dans ces temps difficiles, la Confrérie végète péniblement. Ses Manuaux sont sommaires. A peine y peut-on relever quelques traits dignes d’être notés : les « vignes de Leurs Excellences » sont devenues les « vignes de la Nation, » et sont beaucoup mieux soignées, si l’on en croit les visiteurs. Les comptes mêmes sont négligés pendant sept ans, en raison des « circonstances de la révolution, du passage continuel de troupes, et des occupations nombreuses qu’ont eues les greffiers de la municipalité[3] : » on profite d’un moment de répit

  1. Archives de Berne, Akten des Geheimen Rates, bd. XXXVI, no 90. (Communication de M. le Dr Türier.)
  2. A. Cérésole, p. 101.
  3. Manual, 3 nov. 1804.