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Ça ira, dont Leurs Excellences ont très sévèrement défendu l’air et les paroles[1]. » Et le « louable Conseil » d’acquiescer aussitôt à ce vœu.

L’ordre de la Parade ne fut fixé que quatre jours avant la fête[2].

Le cortège, certes, s’est développé, depuis l’époque où quelques faunes gambadaient derrière cinq ou six musiciens, autour des images de Bacchus et de Saint-Urbain ; mais il reste très simple, son ordonnance manque encore d’unité. On s’arrêta de place en place pour les chants et les danses, devant le Château, résidence du bailli, devant les maisons des personnages officiels, devant celle du duc de Sussex, fils du roi d’Angleterre, qui se trouvait en séjour à Vevey. Et tout se passa, en somme, en bon ordre. Les bonnets rouges, sur le tard, se montrèrent, firent quelque bruit ; mais ce ne fut qu’une alerte sans conséquence[3] ; et le Manual, dans le compte rendu officiel qui fut dressé aussitôt la fête achevée, établit que tout le monde en fut enchanté :

« Le secrétaire croirait manquer à son devoir s’il passait sous silence le bon ordre, la décence, et l’heureuse harmonie qui ont régné dans la fête de ce jour. Jamais Vevey n’a offert un spectacle aussi intéressant, non seulement par l’élégante richesse et la noble simplicité qui s’y trouvaient confondues, mais surtout par la gaieté franche et innocente qui l’animait, et par l’affluence prodigieuse d’étrangers qui y étaient accourus de toutes parts, et qui ne cessaient d’y donner des témoignages publics de leur admiration. Puisse cette fête, l’image du bonheur d’un peuple de frères, se perpétuer chez nos neveux, et leur procurer un jour des biens plus réels ! »

Les comptes, arrêtés aussitôt, bouclent par un déficit : les dépenses avaient atteint 8221 1., 3 s., contre 6 211 l., 14 s., 3 d., de « reçues[4]. »

La Confrérie, ayant un fonds, pouvait supporter cette petite perte ; mais elle avait l’ambition légitime de se développer. Les cotisations étaient modestes, les amendes rares ou insignifiantes, les dons peu fréquens : aussi l’abbé régnant profita-t-il d’une période où la Société se trouvait mieux d’accord que jamais avec l’esprit public, puisque l’agriculture et les fêtes populaires étaient

  1. Manual, 11 août 1791.
  2. Ibid., 14 août.
  3. A. Cérésole, ouvrage cité, p. 95, 96.
  4. Manual, 20 août 1791.