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vignes des étrangers, dans l’intérêt général du vignoble, et aussi dans l’espoir que « ces étrangers se verront par tels soins ponctuels, que se donnera cette Société, engagez à nous faire des récompenses[1]… » Les deux inspecteurs qui procédaient à ces visites[2], désignés à tour de rôle, mais « seulement de capables et bons connaisseurs, » recevaient de la ville une légère indemnité. Après la visite, ils faisaient avec les membres du Conseil un « chétif dîné[3], » où l’on buvait ferme. La Confrérie ne se bornait pas à surveiller la culture de la vigne : elle surveillait aussi la conduite de ses membres, intervenait dans certains de leurs différends ou dans leurs affaires privées, donnant des tuteurs à leurs orphelins mineurs, punissant les insultes ou les délits contre l’honneur : « et l’on ne voit pas qu’aucun de ceux, qui y étaient appelés ait décliné cet espèce de tribunal, » affirment les rédacteurs du Mémoire. En fait, les Manuaux abondent en exemples de pareilles sentences, portées contre des frères coupables d’avoir juré, oublié leur « couteau courbe, » etc.

Quant à la « Promenade, » « Parade, » ou « Bravade, » le Mémoire nous apprend qu’elle avait lieu d’abord une fois par année, puis une fois par trois ans, et ensuite une fois par six ans, étant entendu qu’elle serait renvoyée si elle tombait sur « une année de calamité. » Ces parades étaient fort goûtées dans le pays de Vaud. J’ai encore vu, dans mon enfance, celle qui se célébrait autrefois à Nyon, où je suis né. On l’appelait la Patente : c’était la publication burlesque de prétendues « lettres patentes » accordées aux bourgeois par je ne sais lesquels de leurs anciens seigneurs. Le cortège s’arrêtait de place en place ; quelques danses se mêlaient à cette parodie. La Patente, n’étant qu’une simple farce, ne s’est jamais développée : on ne venait pas de loin pour la voir, et les habitans mêmes de la ville y prenaient un médiocre intérêt. La Parade de la Confrérie de Saint-Urbain, au contraire, avait un sens, exprimait quelque chose, correspondait aux sentimens intimes du pays : c’est pourquoi elle agrandi peu à peu, jusqu’à devenir l’émouvant spectacle qu’elle est aujourd’hui, — unique en son genre, en profonde harmonie avec le sol qui lui prête la magnificence de son décor, fruit d’efforts persévérans, de beaucoup de rêves. Un document privé, qu’a

  1. Manual, 27 avril 1735.
  2. Ibid.
  3. Mémoire.