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compris que l’imitation devait s’arrêter bien en deçà du point où commencerait le trompe-l’œil, et que, par conséquent, les secours que la science prêterait à cette imitation, ne pouvaient leur servir de rien. Même dans le travail et le fini de l’épiderme, ils se sont abstenus de mettre la précision que le modelage leur eût permis d’y apporter. Ils ont compris que, dès l’instant qu’ils travaillaient dans le bronze ou le marbre, cette matière de la « chair incorruptible et divine, » comme aimait à le dire M. Guillaume, ne devait pas reproduire toutes les dégénérescences, ni tous les accidens de la chair corruptible et animale, et que les limitations mêmes de cet art en faisaient la grandeur. Ainsi, les progrès de la reproduction mécanique, pas plus que les moyens nouveaux d’investigation scientifique, n’ont pu servir à donner à l’art du statuaire quelque forme qui fût à la fois belle et nouvelle, et c’est à des sources toutes différentes qu’il cherche aujourd’hui un renouvellement.


II

Celui-ci apparaît comme possible de trois manières. On peut renouveler la statuaire par son « enveloppe, » c’est-à-dire par la composition générale du monument, plus ou moins saillante, plus ou moins tourmentée, plus ou moins ramassée, profilée en plus ou moins de masses distinctes sur le ciel. On voit tout de suite qu’entre les silhouettes agitées de quelque Enlèvement d’Europe ou d’un groupe du Bernin et le calme contour d’un Sphinx ou d’un Pharaon de la vieille Égypte, il y a place pour une infinité de modalités différentes et, pour ainsi dire, d’« enveloppes » d’un monument. On peut renouveler encore la statuaire par la myologie, c’est-à-dire par les proportions du corps humain, plus ou moins affirmées dans le sens de la grâce ou de la vigueur ou de l’ascétisme, et par le traitement des chairs plus ou moins analysées, plus ou moins serrées, plus ou moins unies, réparties en masses diversement nombreuses et inversement équilibrées. On peut enfin renouveler la statuaire sans changer grand’chose à l’enveloppe ni à la myologie : par le geste.

Les trois tentatives se voient également dans la sculpture contemporaine. Il suffit de s’être promené un instant dans nos Salons depuis dix ans ou d’entrer dans ceux de 1905 pour s’apercevoir que les meilleurs sculpteurs modernes cherchent, avant