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« photo-sculpture. » On sait enfin le figurer en cire et le colorier jusqu’à produire chez les mieux avertis l’illusion de la réalité. Les vieilles histoires classiques des oiseaux de Zeuxis et d’Apelles ou de la rondache de Léonard seraient aujourd’hui des constatations banales. Le coroplaste moderne atteint, quand il veut, le trompe-l’œil. Mais aussitôt qu’il l’atteint, il s’aperçoit que l’art a disparu, et que la reproduction de l’épiderme, des cheveux, des ongles, d’un être vivant, lorsqu’on ne peut y ajouter la circulation du sang, la succession du mouvement et le frémissement de la vie, n’est que le plus décevant des mirages. C’était encore une loi bien ancienne et fort connue, mais qu’on oublie périodiquement et à laquelle périodiquement on revient, comme à une pure nécessité : qu’une œuvre d’art doit témoigner, tout d’abord, par l’impression première, par sa matière, par son enveloppe et par sa composition, qu’elle n’est pas une chose réelle et naturelle, mais bien une chose sortie de la main de l’homme, une œuvre de l’art, et qu’après cette impression, doit naître en nous la sensation de la vérité et de la vie. Cette sensation, alors, se prolonge et se fortifie ; plus on regarde une belle œuvre, plus on perçoit que, malgré des différences radicales de matière et de dimension, elle se rapproche de la nature et, peu à peu, la voici qui semble s’animer et palpiter, sous la lente révolution du jour, d’une vie mystérieuse qui n’est qu’à elle. Au contraire, si nos sens ont été trompés ; si, pendant un instant de raison, nous avons pu croire que nous étions en présence d’un être humain vivant et respirant, aussitôt la désillusion est grande de ne le voir ni vivre, ni respirer. Il semble que la vie, telle que nous la connaissons chez les êtres de chair, s’est arrêtée tout à coup, et, comme nous ne pouvons y substituer cette vie singulière, propre à quelque belle matière nettement différente, que nous appelons le style et la beauté, plus nous considérons le trompe-l’œil, la figure de cire peinte, plus nous avons non seulement l’impression de l’erreur et du charlatanisme, mais le dégoût de la mort.

Jamais l’art, il est vrai, n’est descendu aussi bas. Mais les progrès de la reproduction photo-sculpturale l’amèneraient sûrement à cette décadence et l’on ne peut pas dire que dans les Campo-Santo d’Italie ou, aussi bien, dans quelques essais de statuaire polychrome chez nous, l’on ne s’y soit pas acheminé. Les vrais artistes ont vu tout de suite le péril. Ils ont