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I

Ce renouveau de la statuaire, comment l’obtenir ? Et cette impression de modernité dans des formes aussi vieilles que le monde, comment la donner ? Telle est la question que se posent les sculpteurs modernes en face de l’infinie richesse des bronzes et des marbres anciens, et qui n’est pas résolue mais au contraire aggravée à chaque découverte nouvelle que font les archéologues d’une école inédite, d’un style différent ou d’une période inconnue. Devant l’immense moisson faite aux champs antiques, à considérer encore les glanes, qu’au XVe siècle florentin et qu’au XVIIIe siècle français, les artistes ont liées en gerbes nouvelles, le sculpteur se demande quel labeur et quelle joie lui ont été laissés… Plus il est conscient de la perfection passée de son art et de ses limites, plus le problème lui semble difficile. Tel il se posait aux successeurs de Canova, et de Thorwaldsen, surpris que ces deux maîtres aient dépensé tant de talent à des pastiches d’une école où les beaux originaux sont innombrables, tel il se pose encore aujourd’hui.

Un instant on a pu croire que la science allait aider à le résoudre. Dans les moyens nouveaux d’investigation scientifique appliqués à la connaissance du corps humain, de ses mouvemens et de ses moteurs, on a pensé trouver non seulement le contrôle des chefs-d’œuvre anciens, mais la source et l’inspiration de formes inconnues. Les progrès de l’anatomie et de l’anthropométrie permettaient dorénavant de donner à chaque corps, à chaque race, à chaque âge des proportions exactes et ainsi de différencier infiniment ce que les connaissances un peu vagues des anatomistes anciens les obligeaient d’exprimer par le même canon. De plus, l’étude systématique des passions ou des sentimens sur la physionomie humaine, soit traitée par l’analyse électro-physiologique, soit observée dans des crises d’hystérie, paraissait devoir aider les tentatives originales de nos artistes. « Quelles sources d’observations nouvelles ! » s’écriait le docteur Duchenne de Boulogne en posant des rhéophores sur les muscles faciaux de ses patiens. Enfin, les photographes, en saisissant lu mouvement le plus rapide et en le décomposant en toutes ses parties, ont paru déchirer un voile, qui jusqu’alors aurait empêché le statuaire de voir l’homme danser, lutter, courir et ainsi