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morgue contemporaines, quelques fines et radieuses figures de marbre telles que le Portrait de Mme S… par M. Sicard.

Ainsi, en dépit de la monotonie ou de la banalité des sujets, malgré cette innombrable quantité de Baisers, de Sources, de couples enlacés, de statues qui se cachent obstinément la figure, d’agriculteurs et de violonistes, que les sculpteurs de 1905 semblent avoir tirés d’un programme commun et destinés à remplir le peu de vides qui restent encore dans nos squares, la statuaire demeure ce qu’elle fut, déjà, si souvent : la revanche de l’art français. Le hall occupé par les sculpteurs repose des salles remplies par les peintres. On y séjourne peu, d’ordinaire. Leur langage plus sévère retient moins les passans. Dans leur lutte avec une matière plus durable et moins docile, ils se laissent aller moins aisément aux caprices de la mode, que leurs frères, les peintres. Ils en reflètent moins les oscillations innombrables. Par là, ils touchent moins la foule. Mais aussi, lorsque, dans leurs œuvres, quelque tentative nouvelle se fait jour, il convient d’y prendre garde davantage et de s’y arrêter plus longtemps. Ces tentatives plus rares viennent d’aspirations plus réfléchies et, une fois commencées, se renouvellent avec plus d’obstination. Précisément, depuis quelques années, la seule querelle esthétique dont se soit émue l’opinion, la seule qui nous ait rappelé les violences de la querelle wagnérienne et de la bataille impressionniste, s’est livrée à propos d’un sculpteur : M. Rodin. Et si l’on observe que le scandale était soulevé non par un débutant en quête de notoriété, mais par un maître déjà plein d’années et d’œuvres, par l’auteur de l’Age d’Airain, du Baiser, de la Pensée, de Saint Jean-Baptiste, on éprouve assez qu’il s’agissait d’une recherche véritable de renouveler la statuaire ; qu’il y avait, sinon succès, du moins effort, et qu’une question singulière était posée. D’autre part, on n’a pu passer, en France ou à l’Etranger, devant les œuvres de M. Bartholomé, de M. Constantin Meunier, de M. Jef Lambeaux, de M. van Biesbroeck, de M. de Charmoy, de M. Charpentier, de M. Bistolli, de M. Habich, de M. Calandra, de M. Frantz Metzner, sans ressentir que par ces excellons artistes s’opérait une véritable évolution de l’art statuaire. Dans quel sens et grâce à quels moyens ? C’est ce qu’en regardant au Salon de 1905 quelques œuvres topiques, et en regardant, en dehors des Salons, dans les jardins et dans les musées quelques jalons de la sculpture contemporaine, nous allons essayer de déterminer.