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l’atmosphère où baignent ses figures et ses horizons. De même, au Cercle de l’Union artistique, le passant n’était pas désappointé devant le portrait de M. Gaston Ménier par M. Bonnat ou de Mme F… par M. Flameng, et il découvrait, dans celui du comte de Dampierre par M. Gabriel Ferrier, des qualités singulières, qui haussent tout d’un coup ce rare scrutateur des physionomies contemporaines bien au-dessus de lui-même et de ses œuvres passées. On apercevait enfin dans l’œuvre d’un jeune artiste, M. Baugnies : le portrait du colonel H…, un art déjà très subtil et très sûr. Mais de toutes ces choses, les unes sont absentes du Salon, les autres y sont éteintes et opprimées par la masse des 7 655 manifestations bruyantes et lamentables des chroniqueurs mondains, des conteurs d’anecdotes, des décorateurs officiels, de cette foule qui n’a aucun témoignage esthétique à nous apporter d’une joie ou d’un enthousiasme devant la nature, mais qui a pensé que, puisqu’il y avait des expositions de peinture, il convenait de peindre et d’y exposer. En sorte qu’il serait peut-être injuste de prédire la décadence de l’art français, mais il n’est que loyal de noter le vide et l’insignifiance des Salons.

Ils ne semblent plus faits que pour le triomphe de deux catégories d’exposans, peu nombreux autrefois ou peu notoires et qui, aujourd’hui, accaparent toute l’attention : les Étrangers et les Femmes. Bien que, cette année, ni M. John Sargent, ni M. Boldini, ni M. Zuloaga n’apportent rien de comparable à leurs séduisantes œuvres passées, toutes les fois qu’on voit un effet neuf et juste, un arrangement imprévu, quelque ordonnance réfléchie, on trouve, dans un coin du cadre, une signature étrangère. Avenue d’Antin, le portrait du jeune Alphonse XIII, à cheval, drapé, sobre, sombre, mystérieux, est d’un Espagnol, M. Casas. Les admirables eaux du fossé qui entoure le château, à Copenhague, sont d’un Scandinave, M. Thaulow. Ce beau portrait de Mme Guinness, où les tonalités de Whistler revivent, à peine accentuées, est d’un étranger, M. W. G. Glenh. Cette admirable Espagnole, dissimulée dans le coin de l’escalier nord, portant le n° 650, est d’un étranger, M. Hayward. Cette réunion de famille, rassemblant plusieurs portraits : le père, la mère, les deux filles, le fils, est d’un Suisse, M. Giron, et l’on en voit peu de mieux groupés, de plus franchement peints, d’étudiés d’aussi près et avec tant de pénétrante attention. Et les vues flamandes