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autonome, subsistait, et, à vrai dire, étant donnés l’origine et le principe de l’Anglicanisme, on ne voit pas comment il aurait pu y être remédié.

Toutefois, il est dans l’habitude des Anglais de se préoccuper plus du fait que de la théorie, et le fait était pour satisfaire les Ritualistes qui pouvaient désormais suivre librement leurs pratiques, sans s’exposer à des poursuites. De cette liberté ils usaient largement et gagnaient chaque jour du terrain. Ce n’étaient pas seulement les statistiques de l’English Church Union qui énuméraient avec orgueil les églises où les rites nouveaux étaient observés[1] ; la Church Association faisait, avec indignation, une constatation analogue, et l’un de ses tracts contenait une liste de 9 600 clergymen, convaincus de « seconder le Romeward movement dans l’Église nationale[2]. » Les Ritualistes étaient particulièrement à l’aise dans les villes, où la multiplication des paroisses permettait aux fidèles auxquels ces changemens déplairaient, de fréquenter une autre église. Dans les villages, le ministre novateur était forcément plus contenu ; néanmoins, là même, les protestans dénonçaient le nombre croissant des paroisses rurales « contaminées. » Telle était d’ailleurs la force du mouvement vers ce qu’on appelait le High ritual, qu’il se faisait sentir jusque dans les temples des Evangelicals. On s’y écartait chaque jour davantage de l’ancienne nudité puritaine ; presque aucun de ces temples où la chaire fût restée devant la table de communion ; dans plusieurs, on introduisait des retables, des fleurs, même des cierges ; le surplis était devenu d’usage général pour le sermon ; la musique et les chants étaient soignés. Même tendance chez les dissidens.

Non seulement le Ritualisme s’étendait, mais son cérémonial devenait de plus en plus ouvertement catholique. Ses porte-paroles autorisés annonçaient publiquement « ne pouvoir prendre, pour le rituel, de meilleur modèle que l’Eglise de Rome qui avait toujours fidèlement gardé le sien[3]. » Jamais ces Ritualistes n’étaient plus heureux que quand un visiteur de passage se

  1. D’après le Tourist’s Church Guide, le nombre des églises où l’on observait l’eastward position, s’était élevé successivement, en 1884 à 2 054, en 1896 à 5 964, en 1898 à 7 044. — Même progression pour les autres rites contestés, les vêtemens eucharistiques, les cierges d’autel, le mixed chalice, etc.
  2. The Ritualistic clergy List, being a guide for patrons and others.
  3. Discours prononcé, le 30 juillet 1889, dans une réunion de l’E. C. U. et cité dans The Secret History of the Oxford Movement, p. 350.