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depuis tant d’années. L’organe des Ritualistes, le Church Times, ne s’y trompait pas et il constatait dès le 5 août 1892, que ce jugement « fermait l’époque des poursuites rituelles. » De son côté, la Church Association convenait, avec dépit, qu’elle devait renoncer désormais à ses procès. Sa seule consolation était d’imputer le complet effondrement de ses entreprises à la trahison des évêques, à l’insouciance ennuyée des hommes politiques, à l’apathie de l’opinion. Désormais, pour principal emploi de son activité, elle se bornait à distribuer des tracts et, dans ce dessein, elle mobilisait des fourgons, ou sortes de roulottes, destinés à colporter sa marchandise de propagande à travers tout le pays.

Ainsi était apparue, à l’honneur de l’Angleterre, l’impuissance finale des violences législatives et judiciaires dans les questions de conscience. Au début, les Ritualistes avaient eu, semblait-il, tout contre eux ; ils étaient une minorité impopulaire, à demi désavouée par le High Church lui-même ; ils heurtaient les habitudes et les préjugés séculaires de leurs concitoyens ; presse, parlement, gouvernement, cours de justice, évêques semblaient conjurés pour leur perte. Et cependant, quand on voulut user contre eux des moyens de coercition, le seul scandale de l’emploi de ces moyens suffit à retourner l’opinion, à rappeler les évêques à leur rôle et à obliger les tribunaux à capituler. L’acte fameux, forgé exprès par le Parlement pour les abattre, dut aller rejoindre, au magasin de rebut où s’accumulent, les lois caduques, tant d’autres mesures législatives, nées un jour d’une explosion de fanatisme protestant, mais bientôt désavouées par cet esprit de justice et de liberté qui finit toujours par avoir le dessus dans l’opinion anglaise.

Etait-ce donc que les Ritualistes eussent obtenu, pour leurs revendications de principe, pleine satisfaction ? Leur prétention était que l’Eglise devait, seule, indépendamment de l’Etat, affirmer sa doctrine, régler son rituel ; l’intervention des Cours de justice civiles leur paraissait, en pareille matière, insupportable. Or, dans le Lincoln’s case, si le Conseil privé s’était résigné à juger conformément à la décision du tribunal ecclésiastique, ce n’en était pas moins lui qui avait jugé en dernier ressort ; l’archevêque lui-même n’avait osé exercer sa juridiction qu’après qu’elle avait été sanctionnée par ce Conseil privé. Les résultats étaient favorables en fait, mais, en droit, le mal dont se plaignaient ceux, qui aspiraient à une Eglise spirituellement