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occasion de réparer le mal fait par son prédécesseur et de substituer, à la politique de combat qui avait si manifestement échoué, une politique d’apaisement et de tolérance dont l’opinion sentait le besoin ; il se flattait, d’une part, que les High churchmen auraient plus d’égard à la décision d’une juridiction ecclésiastique, et, d’autre part, qu’en face d’un jugement fortement motivé, le Conseil privé ne s’obstinerait pas ; en tous cas, il entrevoyait là une œuvre à tenter, dont la difficulté et le risque l’inquiétaient, mais dont l’utilité et le bienfait le sollicitaient, et il fit connaître sa résolution à un de ses plus intimes confidens, l’évêque Westcott, par une note contenant ce seul mot : Audeo[1].

Le débat judiciaire s’ouvrit, au palais de Lambeth, le 12 février 1889[2]. L’archevêque siégeait, entouré de quatre évêques dont il avait requis l’assistance, mais à titre consultatif et eu gardant pour lui seul la responsabilité du jugement à intervenir. Le monde religieux était dans l’attente d’une décision dont chacun sentait l’extrême importance. L’English Church Union avait invité ses associés ecclésiastiques à célébrer la Sainte-Eucharistie, ce même 12 février, pour obtenir que le Dieu tout-puissant fit tourner l’événement à sa gloire. Une première année fut occupée par des escarmouches préliminaires. Les conseils de l’évêque de Lincoln récusèrent d’abord la juridiction du métropolitain et demandèrent que leur client fût jugé par tous les évêques réunis en synode. Ils contestèrent ensuite qu’un évêque fût lié par les rubriques qui parlaient seulement du « ministre. » Sur ces deux points, leurs conclusions furent repoussées. Les débats sur le fond s’engagèrent le 4 février 1890 et durèrent vingt et un jours. Après quoi, l’archevêque en prononça la clôture et réserva pour plus tard la délivrance de son jugement. Se refusant à admettre qu’il n’eût qu’à appliquer la jurisprudence du Conseil privé, il entendait faire une étude personnelle et approfondie, surtout au point de vue historique, des questions soulevées. Ce ne fut qu’après avoir prolongé cette étude durant huit mois, d’abord au milieu des livres de sa bibliothèque de Lambeth, ensuite dans la retraite alpestre où il alla passer les mois d’été, et après s’être convaincu que « les jugemens antérieurs témoignaient d’une connaissance très imparfaite du sujet

  1. Life of Benson, t. II, p. 694.
  2. Sur les faits qui vont suivre, je renvoie, une fois pour toutes, à Life of Benson, t. II, chap. VII.