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mondaines de ses hautes fonctions. Il évitait soigneusement de se laisser classer dans aucun des partis religieux, bien qu’il fût, par certains côtés, en sympathie avec chacun d’eux. Ses traditions de famille et son éducation première l’auraient rattaché au Low Church, et il avait tout au moins gardé, de cette origine, un sentiment affectueux pour ceux qu’il appelait « les chers vieux Evangelicals ; » il admirait la solidité de leur foi, sans fermer les yeux sur le fanatisme qui s’y mêlait, ou, suivant son expression, sur « leur légère teinte de Torquemada, » et il estimait que l’Église établie perdrait beaucoup s’ils s’en séparaient[1]. Depuis son passage à l’Université de Cambridge, il était lié avec le trio Lightfoot, Westcott et Hort, qui représentait une certaine nuance, la plus chrétienne, du Broad Church, et ultérieurement, il avait noué également une étroite amitié avec Kingsley qui en personnifiait une autre. Enfin, par le tour de ses idées et de sa piété, par sa conception historique des choses religieuses qui le portait à rechercher les précédens antérieurs à la Réforme, par sa curiosité des antiquités liturgiques, par son goût du cérémonial et du symbolisme, il semblait avoir des points communs avec le High Church. Dès l’âge de trente ans, il écrivait : « Je ne suis, moi-même, ni High, ni Low, ni Broad Church, bien que je m’entende attribuer, tour à tour, toutes ces qualifications, et aussi souvent l’une que l’autre[2]. » Plus tard, parvenu au sommet de la hiérarchie, il demeura soigneux de ne se laisser compromettre avec aucun parti et de rester en bons termes avec tous. Au lendemain de sa nomination au siège primatial, remplaçant Tait à la présidence de la Commission royale d’enquête sur la législation des cours de justice en matière religieuse, il faisait un rapport assez favorable aux idées High Church[3] ; en même temps, il choisissait un chapelain qui inspirât confiance aux Evangelicals, et il se préoccupait que ceux-ci ne se sentissent pas uncomfortable dans l’Eglise d’Angleterre[4]. En somme, très attachée cette Église, très convaincu de sa légitimité, il la concevait, avant tout, comme une institution « compréhensive », où des opinions diverses pouvaient cohabiter en paix.

  1. Life of Benson, par A. C. Benson, t. II, p. 12 et 234.
  2. Ibid., t. I, p. 179.
  3. Ibid., t. II, p. 67, 68.
  4. Ibid., t. I, p. 565 ; t. II, p. 234.