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excessives, comme celle contre le Rev. Enraght ; mais il se heurtait au parti pris de la Church Association. En présence des emprisonnemens dont le fâcheux effet ne lui échappait pas, il était réduit à exprimer, dans ses lettres privées, une désapprobation toute platonique[1].

Des amis, de l’attachement desquels l’archevêque ne pouvait douter, ne lui épargnaient pas les avertissemens. L’un d’eux, le Rev. Lake, doyen de Durham, lui écrivait, en 1878 : « Votre meilleur moyen d’avoir la paix est d’accepter le Ritualisme. C’est de ce côté que souffle l’esprit religieux de notre époque. Je ne veux pas que vous passiez aux yeux de la postérité pour le grand homme qui a retardé le déluge, de façon à lui permettre de noyer plus complètement ses successeurs. » Il lui signalait, avec insistance, le détestable effet des mesures violentes, lui montrait « l’Eglise d’Angleterre tombant graduellement dans un état de mécontentement général, » au point de faire craindre une « explosion de papisme » et le « désétablissement[2]. » Ajoutons qu’en 1878, Tait avait perdu, coup sur coup, son fils et sa femme, et que, sous l’impression de ce grand chagrin, il s’était produit, dans cette âme naturellement un peu sèche, raide et combative, une sorte d’attendrissement qui le disposait à plus de bienveillance pour ses adversaires. On en trouve, à cette époque même, une trace dans son Journal. Après y avoir rapporté « l’irritation, le frémissement » qu’il venait d’éprouver, dans une église, en voyant, au moment de la communion, « ces frivoles altérations de cérémonial qui blessaient tous ses sentimens, » il se reprochait d’être « trop facilement bouleversé et irrité par de telles choses ; » il se rappelait quelle difficulté le clergé rencontrait à satisfaire les besoins opposés des fidèles, et il terminait par cette prière : « O Seigneur, enseigne-moi à m’élever aux grandes réalités et à ne pas me laisser influencer par des objets petits et vulgaires ! Donne-moi la vraie charité et l’impartialité[3]. » Certes, ce n’était pas de ce ton qu’il parlait naguère des innovations rituelles.

Ainsi, sous l’action de causes diverses, une évolution s’accomplissait, peu à peu, dans l’esprit du primat. En décembre 1880, une conférence ecclésiastique lui fut l’occasion de manifester

  1. Life of Tait, t. II, p. 422, 429, 432. Memorials of Dean Lake, p. 104.
  2. Memorials of Dean Lake, p. 229, 257.
  3. Life of Tait, t. II, p. 332.