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bataille religieuse, il ne lui était plus possible de s’en désintéresser. On attendait de lui, sinon qu’il descendit personnellement dans l’arène, du moins qu’il y fît connaître son opinion et sentir son influence. Or, si vif que fût son goût du silence et de l’obscurité, il était avant tout homme de devoir, résolu à ne manquer à aucune des obligations de sa fonction. Non content donc de susciter dans sa cathédrale, jusque-là froide, vide et presque muette[1], une vie religieuse toute nouvelle, il n’avait pas hésité à prendre position dans les grandes questions qui agitaient l’Église. La façon dont il tenait ce rôle, jointe au prestige qu’il avait gardé de sa participation à l’époque héroïque du Mouvement d’Oxford, lui avait vite acquis, dans le monde religieux, une autorité universellement reconnue. Chacun était attentif à ce que disait le doyen de S. Paul. Ainsi se trouvait-il peu à peu égaler en importance sociale l’autre fameux doyen de Londres, celui de Westminster, Stanley, auquel il faisait, pour ainsi dire, pendant et, dans une certaine mesure, contrepoids. Natures bien dissemblables : d’un côté, l’homme du monde accompli, brillant causeur, intellectuel ouvert à toutes les curiosités, principalement aux idées téméraires et dissolvantes, esprit combatif en même temps que dilettante, passionné et sceptique, aimable du reste et d’une rare séduction ; de l’autre, l’homme d’Église tout en étant un lettré, âme croyante et pieuse, esprit sage, ouvert et équitable, réservé, détaché de toute ambition, fuyant la notoriété et la popularité, sincèrement humble avec beaucoup de dignité, volontiers silencieux quand la conversation se dispersait en banalités secondaires, mais d’une éloquence pleine de choses dès que le sujet s’élevait, d’une austérité qui s’alliait à un charme intime et pénétrant, n’ayant pas un ennemi, pas un détracteur, laissant à tous l’impression profonde de ce qu’on s’accordait à appeler sa « beauté morale. »

Parmi les questions sur lesquelles le doyen de S. Paul devait se prononcer, la question ritualiste était la plus aiguë. Homme de mesure et de modération, à ce point qu’il avait trouvé parfois que Pusey allait trop loin, Church était peu porté vers

  1. L’évêque Blomfield disait un jour à l’évêque Wilberforce, en passant devant S. Paul : « Je ne saurais dire ce que cette grande bâtisse a pu jamais faire pour la cause de Jésus-Christ, » et, en 1870, Pusey, parlant avec Liddon de toutes les réformes à faire dans cette cathédrale, ne craignait pas de la qualifier d’ « écurie d’Augias. » (Life and letters of Liddon, p. 135.)