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sentiment de justice et même le simple bon sens se révoltaient. N’était-il pas contraire aux idées modernes de recourir à de semblables pénalités, dans une affaire de conscience et pour contraindre à certaines formes de culte ? Aussi, M. Talbot, membre des Communes, exprimait-il une idée très répandue, quand il écrivait qu’en pareil cas, la prison était « un scandale et un anachronisme[1]. »

Si tel était l’effet produit sur des gens du monde, qui n’avaient aucune raison de s’intéresser aux questions débattues, on peut s’imaginer ce qu’il était sur des churchmen qui, sans se confondre avec les Ritualistes, s’en rapprochaient cependant par plus d’une croyance et d’une aspiration communes ; je veux parler des anciens Tractariens et, d’une façon générale, de tous ceux qui se rattachaient plus ou moins au High Church. Le vieux Pusey, devenu octogénaire, épuisé par l’âge et la maladie, trouvait cependant la force de renouveler ses protestations publiques contre les condamnations et de témoigner sa sympathie aux victimes. Un clergyman menacé de poursuites avait-il quelque velléité de découragement et parlait-il de résigner ses fonctions, Pusey le ranimait : « La bataille n’est pas perdue, lui écrivait-il, mais elle le serait, si ceux qui doivent la soutenir se retiraient… J’irais avec joie en prison pour vous, mais je ne puis. » Il fut particulièrement indigné du long emprisonnement du Rev. Green ; il eût voulu le partager ; dans ce dessein, il signifiait aux auteurs des poursuites que, lui aussi, il pratiquait les mêmes rites, et il les mettait en demeure de lui faire subir le même sort[2]. Entre temps, fidèle, jusqu’au bout, à maintenir l’intégrité de la foi, il publiait un livre pour défendre l’éternité des peines contre le Rev. Farrar[3]. Cependant, sa santé déclinait de jour en jour. Le 31 août 1882, il adressa une lettre au Times, en faveur de M. Green. Ce fut son dernier acte public. Il languit quelques jours et s’éteignit, le 10 septembre, dans les sentimens de foi et île piété profondes qui avaient été les siens, durant sa vie entière. L’impression générale, dans l’Eglise d’Angleterre, fut que cette mort y faisait un grand vide. Après avoir été suspect, pendant plusieurs années, à la suite de la sécession de Newman, Pusey avait acquis à la longue, moins par quelque supériorité

  1. Life of Tait, t. II, p. 460.
  2. Life of Pusey, t. IV, p. 291, 361 à 370, 380 à 382.
  3. Ibid., t. IV, p. 344 à 358.