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intérêts de toutes les grandes puissances. Les imprudences et les fautes des nations occidentales ont créé en Chine et dans les mers Jaunes un foyer dangereux d’où l’incendie peut se propager jusqu’en Europe. Il n’est besoin de rappeler ni les anxiétés que firent naître, au début de la guerre, les engagemens réciproques de l’Angleterre vis-à-vis du Japon et de la France vis-à-vis de la Russie, ni l’incident de Hull, ni les difficultés relatives aux droits et aux devoirs des neutres. La pacification de l’Extrême-Orient, l’avenir de l’Empire chinois sont des questions qui n’intéressent pas seulement les belligérans, mais toutes les puissances qui ont, dans les mers d’Asie, une clientèle, des nationaux ou des colonies. Il est temps, pour l’Europe, si elle tient à garder sa suprématie universelle, de montrer qu’elle est capable d’exprimer une volonté collective, et en mesure de la faire prévaloir. Avec plus de grandeur tragique qu’en 1895, mais à peu près dans les mêmes termes, c’est toujours le même problème qui se pose devant les hommes d’Etat européens ; les solutions, elles aussi, restent les mêmes : on les trouvera dans une politique d’intérêt général et de dignité européenne, respectueuse de l’indépendance et des droits des peuples Jaunes, mais fermement décidée à protéger, au besoin contre eux, les droits acquis et les possessions territoriales des Européens. Parlant tout dernièrement au Liberal unionist Club, M. Joseph Chamberlain défendait vigoureusement l’alliance anglo-japonaise et déclarait qu’une alliance offensive et défensive entre les deux puissances assurerait pour un temps indéfini la paix en Extrême-Orient ; le Times et plusieurs grands journaux faisaient écho à l’ancien ministre des Colonies. Si le passé répond pour l’avenir, l’affirmation pourra paraître téméraire ; il n’est pas, croyons-nous, nécessaire de démontrer que l’alliance de l’Angleterre avec le Japon a eu pour premier effet de rendre la guerre plus certaine et plus prochaine. Plus efficace, semble-t-il, pour garantir la paix et l’ordre en Extrême-Orient, serait une entente générale, une action commune de toutes les grandes puissances pour aboutir à un règlement des questions pendantes, en respectant les situations acquises et les intérêts légitimes. Une alliance encore plus étroite avec le Japon victorieux ne risquerait-elle pas d’exposer l’Angleterre aux pires difficultés le jour où un conflit grave viendrait à surgir entre le Japon et un État européen ? Le cas n’a-t-il pas été tout récemment sur le point de se produire lors des incidens