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d’organiser les emprunts, dirigent, sans responsabilités, la politique générale, ils conduisent l’universelle mobilisation de la richesse, la transformation de toutes les ressources des pays nouveaux en actions, en parts, en obligations. Ainsi l’organisation du crédit et le régime du travail, déterminés par l’emploi de la machine et l’application des découvertes scientifiques, déterminent à leur tour la politique des grands États et règlent leur expansion. Dans toute entreprise extérieure ; il y a une affaire. Bornons-nous aux faits les plus récens. Deux ans durant, une guerre sans merci ensanglante l’Afrique du Sud pour sauvegarder les intérêts des actionnaires des mines d’or et de diamant. La France, si résolument pacifique, mobilise une escadre pour Lorando et Tubini. Toutes les puissances, dès qu’elles ont obligé la Chine à ouvrir ses portes, assiègent le Tsong-li-Yamen pour lui arracher des concessions de toute sorte, chemins de fer, mines ; aussitôt obtenues, des sociétés anonymes et internationales en préparent la mise en valeur ; la spéculation s’en empare et en organise le « lancement. » L’Allemagne, depuis 1870, cherche dans l’industrie une nouvelle source de richesses ; l’Allemagne de l’Ouest, manufacturière et démocratique, entraîne, malgré ses répugnances, sur l’Océan et dans les entreprises coloniales, l’Allemagne agricole et féodale de l’Est ; le gouvernement s’est donné la mission de favoriser cet essor : comptant trouver en Chine les marchés dont il a besoin, il s’est emparé de Kiao-tcheou, au risque de provoquer les malheurs qui ont été, en effet, la conséquence de ce coup de force ; les affaires, en Extrême-Orient, menaçant aujourd’hui de devenir moins fructueuses, c’est vers d’autres pays qu’il se mettra peut-être à chercher les débouchés réclamés par l’industrie nationale. En ces dernières années, les États-Unis sont venus jeter dans la balance l’énorme poids de leurs ressources vierges et de leur vertigineuse activité ; fermant leurs propres marchés par des droits de douane énormes, ils envahissent les marchés d’Asie et leur production intense reflue jusque dans les ports de l’Europe. Les peuples mêmes que leurs ressources en capitaux et en matières premières et l’assiette de leur vie économique ne paraissaient pas prédisposer à se transformer en États industriels, ont suivi le mouvement, fascinés par les succès de leurs voisins. La Russie elle aussi, la Russie agricole et forestière, s’est couverte d’usines, elle a poussé au loin les tentacules de ses chemins de fer, et