Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 27.djvu/551

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
APRÈS LA CHUTE
DE
PORT-ARTHUR

Port-Arthur s’est rendu aux Japonais le 2 janvier 1905. Les événemens des années précédentes avaient, fait de ce point stratégique, si merveilleusement situé, à l’extrémité du Liao-Toung, pour commander les avenues maritimes de Pékin, le symbole de la domination russe dans l’Asie septentrionale et de l’hégémonie européenne en Extrême-Orient : pour les Japonais, il était l’enjeu de la lutte ; il est devenu le signe de la victoire. Depuis le commencement du siège, les acteurs et les spectateurs de la lutte comprenaient que le duel engagé autour de la place ne déciderait pas seulement de la domination sur la Mandchourie et le golfe du Pe-tchi-li, mais de l’empire du Pacifique et de l’avenir de l’expansion européenne : de là vient l’anxiété avec laquelle tous les peuples ont suivi les péripéties du drame. Lorsque Stœssel a rendu aux Japonais les ruines de la ville et les carcasses des vaisseaux, l’opinion publique de tous les pays ne s’y est pas trompée ; elle a compris que ce n’était pas seulement la Russie, mais l’Europe elle-même, avec tout ce qu’elle représente d’intérêts, de traditions et d’idées communes, qui venait de reculer. Cette date du 2 janvier, où a été signée la capitulation de Port-Arthur, restera fameuse dans l’histoire : elle marque le point précis où s’arrête la courbe ascendante de l’expansion européenne ; et si, dans l’armée vaincue, il s’est rencontré quelque philosophe, il aura pu dire, comme Gœthe à ses compagnons de bivouac, le soir de Valmy : « De ce lieu et de ce jour, commence