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lequel, par lui-même et par ses séides, il avait, pendant la campagne de 1708, chargé Puységur qui, placé auprès du Duc de Bourgogne, avait plusieurs fois contrecarré ses desseins. Puységur n’avait point depuis lors reparu à la Cour. Lorsqu’il y revint au mois d’avril 1709, le Roi, qui faisait cas de lui, le tint enfermé dans son cabinet pendant deux heures, et le mit au courant de toutes les imputations dirigées contre lui par Vendôme. Piqué au vif, Puységur non seulement se défendit, mais attaqua Vendôme à son tour, et étala aux yeux du Roi toutes les fautes commises par lui depuis la défaite d’Oudenarde jusqu’à la perte de Lille, avec tant de précision et de vigueur que le Roi en conçut une impression tout à fait défavorable à Vendôme. Quelques jours après, on apprenait que les cent places de fourrage qui lui avaient été jusque-là laissées venaient de lui être retirées et qu’il vendait ses équipages. C’était l’indice qu’aucun commandement ne lui serait donné, mesure en soi-même regrettable, car il ne faut pas oublier que, deux ans après, commandant seul en Espagne et laissé à lui-même, il remportait la victoire de Villaviciosa et faisait coucher Philippe V sur un lit de drapeaux.

Le Mercure de février annonçait, avec un peu plus d’emphase qu’il n’était peut-être heureux de le faire, la désignation du Duc de Bourgogne pour commander l’armée d’Allemagne : « On dit que M. le Duc de Bourgogne commandera en Allemagne, et comme ce prince y a déjà porté la terreur, et comme il y a fait des conquêtes considérables et qu’en s’y faisant craindre il s’y est fait aimer, que les troupes qu’il commandoit alors en ont été charmées, il y a lieu de croire que ce prince sera encore aussi heureux du côté de l’Allemagne qu’il l’a déjà esté[1]. »

Le maréchal d’Harcourt était en même temps désigné pour commander sous les ordres du Duc de Bourgogne. Dans ce choix, il est impossible de ne pas reconnaître l’influence discrète de Mme de Maintenon. Harcourt était fils de Beuvron, un de ces amis (et même quelque chose de plus, dit naturellement Saint-Simon) qui l’avaient environnée de soins au temps où elle n’était encore que Mme Scarron, et auxquels elle eut le mérite de demeurer toujours fidèle. Pour former le Duc de Bourgogne à l’art de la guerre, pour lui inspirer l’esprit d’audace et d’initiative qui, durant la campagne de 1708, lui avait manifestement fait

  1. Mercure de février 1709, p. 378.