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pas que j’ai une réponse à vous faire. » Vendôme comprit alors qu’il y avait quelque chose, et, s’étant retiré avec d’Antin, apprit de lui que le Roi lui avait donné commission « de prier Monseigneur de sa part de ne plus le mener à Meudon, comme lui-même avoit cessé de le mener à Marly, que sa présence choquoit Madame la Duchesse de Bourgogne et que le Roi vouloit aussi que le Duc sût qu’il désiroit qu’il ne s’y opiniâtrât pas davantage. » Là-dessus, fureur de Vendôme, qui vomit tout ce que la fureur peut inspirer. Il tint bon quelques jours encore, mais, le jour du départ de Monseigneur, il s’enfuit non pas à Anet, mais à son autre terre de la Ferté-Aleps, où, « sous prétexte de chasse, il s’enferma un mois, sans nulle compagnie, donnant ainsi de sa fureur une marque si publique que le bruit en transpiroit partout. »

Tel est le récit de Saint-Simon, dont il n’y a point lieu de mettre en doute l’exactitude, et dont nous trouvons d’ailleurs la confirmation dans la correspondance de la marquise d’Huxelles. « On prétend, écrivait-elle, que Madame la Duchesse de Bourgogne n’en revient pas à l’égard de M. de Vendôme, et qu’on a fait entendre sous main à ce prince de ne plus aller à Meudon ni à Marly, ce dont il est si affligé qu’il envisage Anet comme un séjour épouvantable. » Nous devons dire cependant que suivant Bellerive, ce secrétaire de Vendôme, dont le récit très partial et passionné en tout ce qui concerne son ancien chef a déjà été plusieurs fois cité et contredit par nous, les choses se seraient passées autrement, et l’attitude du Duc et de la Duchesse de Bourgogne, comme celle de Vendôme, aurait été toute différente. Le Duc de Bourgogne ayant, le jour de la Chandeleur, rencontré Vendôme à Versailles, dans un escalier, lui aurait dit : « Ah ! monsieur de Vendôme, je vous trouverai toujours sur mon chemin, » et Vendôme lui aurait répondu : « Monseigneur, vous êtes jeune et je suis vieux. Je voudrois, ajouta-t-il encore en levant son bras gauche, qu’il me l’eût coûté, qu’on vous eût trouvé dans la plaine de Lille[1]. » Mais ce récit contraste trop avec ce que nous savons de l’humeur pacifique et de l’attitude conciliante du Duc de Bourgogne, pour que nous puissions y ajouter foi. Quant à la scène de Meudon, voici

  1. Saint-Simon. Édition Boislisle, t. XVII, p. 575. M. de Boislisle a publié en appendice de ses XVIIe et XVIIIe volumes d’importans fragmens des manuscrits de Bellerive qui sont à la Bibliothèque nationale.