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les hommages publics de celui dont la cabale ne cessait de le déchirer en secret. Vaincu, Vendôme s’était retiré dans son château d’Anet, et sur le terrain de Versailles, tout au moins, la Duchesse de Bourgogne demeurait maîtresse du champ de bataille ; Nous reprenons ici notre récit où l’on verra avec quelle ténacité elle sut poursuivre et compléter sa victoire.


I

Cependant Vendôme se morfondait à Anet. Confiant dans sa vieille popularité, il avait compté y recevoir de nombreuses visites dont l’affluence serait comme une protestation muette et éclatante à la fois contre son apparente disgrâce. Son attente fut vaine. Bien que l’opinion de la Cour fût assurément plus favorable à Vendôme qu’au Duc de Bourgogne, cependant l’autorité morale du Roi demeurait assez grande pour que les courtisans craignissent de déplaire en environnant d’égards l’exilé. Vendôme ne voyait point venir à lui les hommages qu’un demi-siècle plus tard Choiseul devait recueillir à Chanteloup. « L’herbe poussait à Anet, » dit Saint-Simon. Mais « ce prince des superbes, » comme il l’appelle, n’était pas homme à accepter ainsi sa défaite. S’il était battu sur le terrain de Versailles, s’il n’y pouvait plus paraître, il en était deux autres où il se croyait de force à continuer la lutte : c’était Marly et Meudon.

« Marly, Sire, » disaient à demi-voix les courtisans qui se pressaient sur le passage de Louis XIV, et en effet, être invité à Marly était déjà une marque de faveur. Audacieusement Vendôme sollicita cette faveur et l’obtint. Il parut à Marly au commencement de l’année 1709, exactement le mercredi 6 février. Il s’y présentait de nouveau le vendredi 15. « Il y fut bien reçu du Roi et gracieuse, » écrit la marquise d’Huxelles à son correspondant ordinaire le marquis de la Garde[1]. Et elle ajoute : « Il luy a esté défendu de parler de tout ce qui se passe, accordé à Madame la Duchesse de Bourgogne qui en veut à ce prince. » Mais soit que Vendôme n’eût pas observé assez

  1. Nous rappelons que la correspondance de la marquise d’Huxelles avec le marquis de la Garde se trouve à Avignon, au musée Calvet. Cette correspondance est encore inédite. Cependant quelques fragmens en ont été publiés en note par les éditeurs du Journal de Dangeau, et par M. de Boislisle dans les volumes XVII et XVIII de son Saint-Simon.