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difficultés au milieu desquelles la Russie se débat en Mandchourie, et de l’affaiblissement momentané qui en résulte pour notre alliance. L’occasion lui aurait paru bonne à saisir. Mais pour quoi faire ? La guerre ? Rien n’indique, hâtons-nous de le dire, que telle soit son intention, et Dieu nous garde de diriger contre elle un soupçon injurieux ! Serait-ce seulement pour empiéter au Maroc sur le domaine que nous avions voulu nous réserver trop exclusivement ? Nous avons dit que le Maroc n’avait pour elle qu’un intérêt de second ordre. Il faut donc chercher ailleurs.

Sans doute la guerre d’Extrême-Orient permet à l’Allemagne d’exercer en ce moment sur nous une pression plus forte ; mais pour quel but exerce-t-elle cette pression ? Peut-être s’est-elle aperçue que dans notre politique coloniale, telle que nous la pratiquons aujourd’hui, il y a quelque chose de nouveau qui la distingue de celle que nous avons pratiquée autrefois. Nous disions que l’Allemagne nous avait encouragés et même favorisés dans notre entreprise tunisienne. Rien n’est plus vrai. Il faut rendre justice, et nous le faisons volontiers une fois de plus, au ministre prévoyant qui a préparé de longue main la solution de la question tunisienne et même de quelques autres. L’histoire dira un jour que c’est à M. Waddington qu’en appartient l’honneur : ceux qui sont venus après lui ont marché dans la voie qu’il avait ouverte et l’ont suivie conformément à ses principes. C’est au congrès de Berlin que, profitant de l’émotion causée par la mainmise de l’Angleterre sur Chypre, M. Waddington s’entendit avec elle et avec l’Allemagne en vue des compensations qui devaient nous être attribuées, car il n’hésitait pas à causer de nos affaires méditerranéennes avec M. de Bismarck, de même que M. Jules Ferry n’a pas hésité à le faire à son tour. M. Waddington est revenu de Berlin avec l’adhésion de l’Angleterre et de l’Allemagne à ce que nous pourrions entreprendre dans la Régence, et aussi avec la promesse de l’Angleterre de ne rien faire en Égypte que d’accord avec nous : n’oublions pas, pour être complet, qu’il a réussi à faire insérer dans le traité de Berlin un article qui reconnaissait notre situation privilégiée dans les Lieux saints. C’étaient là des résultats, certes ! Ils étaient obtenus par une méthode sage et prudente dont il n’aurait jamais fallu s’écarter. Ils risquaient cependant d’avoir pour nous quelques conséquences fâcheuses qu’aucune sagesse ne pouvait écarter à ce moment : rétablissement de notre protectorat à Tunis devait nous brouiller pendant un temps plus ou moins long avec l’Italie, et pour ce qui est de l’Égypte, il était à craindre que le