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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



14 mai.


Nous ne savons pas exactement quel a été le caractère des observations qui nous sont venues d’Extrême-Orient à propos des prétendues violations de notre neutralité par la flotte russe ; mais on aurait tort d’en juger d’après le ton de la presse japonaise, et même d’après celui qu’a eu un moment la presse anglaise. Les gouvernemens, quand ils sont désireux de maintenir entre eux de bons rapports, emploient un langage plus atténué, et nous sommes convaincus que c’est ce que n’a pas manqué de faire le gouvernement japonais. Il arrive souvent, surtout en temps de guerre, que l’opinion dans un pays s’énerve, s’exalte, s’égare, et que le gouvernement conserve tout son sang-froid : il en a sans doute été ainsi à Tokio. Les esprits y ont été très agités à la nouvelle que la flotte russe était entrée dans les eaux françaises et qu’elle y avait séjourné plus ou moins longtemps : on ajoutait même qu’elle s’y était non seulement reposée, mais ravitaillée, qu’elle y avait établi sa base d’opérations militaires et qu’elle s’y comportait enfin comme si elle y était chez elle. On comprend l’émotion des Japonais. Une grande flotte ennemie vient de l’Extrême-Occident leur disputer les résultats qu’ils ont obtenus sur mer après plus d’une année de guerre. Une bataille navale est imminente, et elle peut changer la face des choses. Les Japonais en sont vivement, violemment préoccupés ; quoi de plus naturel ? Mais que peuvent-ils nous demander, sinon de pratiquer à leur égard les règles de la neutralité, et nous ajoutons les règles françaises, car il n’y en a pas, on le sait, qui soient uniformément adoptées par toutes les nations ? Les nôtres, par exemple, ne sont pas celles de l’Angleterre. Ces différences s’expliquent par la situation géographique des diverses puissances et