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pu dessiner que trois lettres, où se reconnaissait d’ailleurs le caractère très marqué de son écriture. Et puis les dernières forces vitales ont commencé à s’éteindre…


Si du moins la commémoration de ces tristes journées pouvait être de quelque profit pour la gloire du poète ! Si elle pouvait, notamment » servir à résoudre enfin cette inquiétante « question Schiller » dont nous parlait, il y a quelques années, M. Adolphe Bartels, dans son excellente Histoire de la Littérature allemande ! « Depuis le commencement du XIXe siècle, disait-il, Schiller a toujours été le poète favori des Allemands, et longtemps, les lettrés eux-mêmes l’ont célébré comme notre poète national ; mais ensuite, vers le milieu du siècle, une opposition violente a commencé à s’élever contre ses drames, et, vers la fin du siècle, Nietzsche et toute la jeune génération l’ont jeté aux morts, non sans rencontrer toujours d’énergiques protestations, ni sans que Schiller ait gardé sa place sur la scène allemande. » Et M. Bartels ajoutait que ce débat « aurait certainement à être tranché tôt ou tard. » Mais, hélas ! les centenaires ne sont point faits pour trancher des débats de ce genre ; et je crains bien que celui de la mort de Schiller, en particulier, ne contribue encore à accentuer davantage l’antagonisme entre les partisans et les détracteurs de l’auteur de Guillaume Tell, c’est-à-dire, au total, entre le public et les lettrés allemands.

J’ai sous les yeux les résultats d’une enquête sur Schiller, organisée par une revue berlinoise qui s’est adressée surtout aux hommes de lettres et artistes des écoles nouvelles. Les artistes, sauf quelques exceptions, peintres et musiciens, admirent sans réserve le génie de Schiller : les hommes de lettres, pour la plupart, le traitent avec un dédain plus ou moins déguisé. Beaucoup d’entre eux se rappellent l’enthousiasme qu’ils ont ressenti pour lui dans leurs jeunes années, ou bien s’attendrissent au souvenir du culte éprouvé jadis pour lui par leurs parens ou leurs professeurs ; après quoi, ils déplorent d’avoir eu à se détacher, pour leur compte, d’un maître dont l’œuvre était décidément trop imparfaite pour leur goût. « Autrefois, — écrit l’un d’eux, dont l’opinion pourrait être donnée comme le résumé de celle de bon nombre de ses confrères, — autrefois je répétais, moi aussi : Schiller et Goethe. Aujourd’hui, je ne dis plus cela. »

Évidemment il se passe à présent en Allemagne, au sujet de Schiller, quelque chose comme ce que nous avons vu se passer en ! France, voilà une vingtaine d’années, au sujet de Musset, que le