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manifester leurs opinions, les citoyens descendent dans la rue, ils ne peuvent pas se soustraire aux lois de police[1]. »

Mais il n’est pas moins incontestable que la discussion de l’article 19 eut pour unique objet les rassemblemens de masses « dangereuses à l’ordre social » et se mouvant « sous l’impulsion pernicieuse d’orateurs populaires[2]. » Nous pensons donc, avec M. de Corswarem, que, malgré la haute autorité qui s’attache aux décisions de la Cour de cassation, « il est permis de se demander si la thèse consacrée par l’arrêt du 23 janvier 1879 est bien conforme à l’intention du législateur constituant[3]. »

Quoi qu’il en soit, l’autorité gouvernementale ne se trouve nullement privée des moyens de réprimer, de châtier les infractions à la loi commises hors des temples, car outre le droit que possède toujours le pouvoir civil de dissiper un rassemblement paraissant compromettre la tranquillité publique, il est suffisamment armé pour conduire devant les tribunaux ceux qui, par leur témérité ou leur imprudence, auraient provoqué ce rassemblement.

« Or l’imprudence du ministre du culte, disait au Congrès le comte de Theux, auteur de l’amendement devenu l’article 14 ; l’imprudence du ministre du culte serait évidemment répréhensible si, averti par l’expérience et la connaissance de la disposition des esprits, il faisait un acte extérieur du culte non nécessaire, qui serait suivi de désordres qu’il avait pu prévoir.

« Mais qu’on le remarque bien, ajoutait le comte de Theux, il ne suffit pas, en ce cas, d’avoir posé un fait d’où aurait pu résulter du trouble. Il faut encore que le fait ait été gravement imprudent[4]. »

Les abus dont certains prêtres se rendraient coupables, en attaquant dans l’exercice de leur ministère soit le gouvernement, soit une loi, soit un arrêté, soit un acte quelconque de l’autorité civile, n’échappent pas davantage à une juste répression[5].

« Ce pouvoir de punir les infractions aux lois du pays, réservé à la société civile, écrit Thonissen, n’a rien d’ailleurs d’incompatible avec le principe de la liberté des cultes sainement

  1. Arrêt du 23 janvier 1879.
  2. Thonissen, p. 94.
  3. Corswarem, p. 34.
  4. Huyttens, t. I, p. 578.
  5. Article 268 du Code pénal.