Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 27.djvu/442

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne peut pas plus, sous la crainte d’un désordre éventuel, interdire l’exercice public d’un culte qu’elle ne pourrait, sous le même prétexte, interdire la publication d’un journal politique hostile aux ministres. Dans les deux cas, la société ne possède que le droit de réprimer les délits[1]. »

Bara, qui fut une notabilité du parti libéral et qui, par suite, échappe à toute suspicion de cléricalisme, professe ici la même opinion que le catholique Thonissen.

« Ces termes, — ceux de l’article 14, — sont généraux, lisons-nous dans son Essai sur les rapports de l’Etat et des religions. Ils consacrent la liberté du culte public et du culte domestique… La liberté des cultes ne comprend pas seulement pour les religions le droit de faire ce qu’elles veulent à l’intérieur des temples, elle leur donne aussi le droit de se produire dans la rue… »

Toutefois, se fondant sur le second paragraphe de l’article 19[2], relatif aux rassemblemens, Bara ajoute : « La différence des droits de l’autorité civile vis-à-vis des rassemblemens en plein air se résume donc en ceci : Elle peut toujours les disperser quand elle les croit dangereux à l’ordre et à la tranquillité publique ; mais elle ne peut empêcher leur formation. Quant à ce point, les réunions en plein air sont sur la même ligne, sous le même régime que les réunions dans un lieu couvert et fermé[3]. »

Nous devons cependant reconnaître que la jurisprudence ne se montre point en parité de sentimens avec ces deux savans commentateurs de la Constitution. La Cour de cassation a, en effet, reconnu aux autorités communales le droit d’interdire certaines manifestations extérieures du culte, et notamment les processions, dans l’intérêt du maintien de l’ordre.

« L’article 14, allègue la Cour suprême, doit être mis en rapport avec l’article 19, § 2, qui soumet aux lois de police tous les rassemblemens en plein air… Il est incontestable que si, pour

  1. Thonissen, p. 57.
  2. L’article 19 de la Constitution est ainsi conçu : « Les Belges ont, le droit de s’assembler paisiblement et sans armes en se conformant aux lois qui peuvent régler l’exercice de ce droit, sans néanmoins le soumettre à une autorisation préalable.
    « Cette disposition ne s’applique point aux rassemblemens en plein air, qui restent entièrement soumis aux lois de police. »
  3. Bara ; ch. VII.