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souvent elle a marqué de la curiosité. Mais la botanique elle-même ne l’intéresse plus à cette heure. Et George Sand, en vraie disciple de Rousseau, d’ajouter cette belle leçon à tant d’autres :


Tes dédains pour la botanique sont des raisons de paresseuse. La nature ne classe pas, mais elle est classifiable. Elle suit une ligne d’invention que nous pouvons constater et qui est d’une admirable logique dans sa fécondité toujours originale. Si de lourds savans ont marché sur elle avec de gros sabots, des génies de premier ordre ont su la comprendre. Linné est un grand philosophe et un grand poète. Il a eu le coup d’œil de l’aigle avec la méthode austère du savant. Ses noms sont presque tous beaux. On peut encore suivre sa méthode dans ses grands aperçus et garder ses aphorismes comme de hautes vérités. La botanique est une étude charmante qui ouvre les yeux de l’artiste et le rend plus artiste. En huit jours, et tout seul, avec un livre élémentaire, on peut non pas la savoir, — on ne possède pas une science sans de longues études et une solide mémoire, — mais être à même de la comprendre et de trouver dans des livres plus détaillés tout le détail qu’on veut s’approprier jour par jour. Apprendre le vocabulaire descriptif, et l’appliquer aux parties de la plante qu’on a sous les yeux, tout est là. Une fois en possession de ces élémens, on ouvre la clé qui se trouve au commencement de tous les ouvrages ; on examine à la loupe, si la plante est petite ; et, en dix minutes, on trouve son nom, son habitat et ses habitudes. Seulement il faut autant que possible l’avoir entière, racines, fleurs et fruits. Si tu veux en essayer, la Flore de Decaisne et Lemahout est très commode pour la France, l’Europe et les exotiques. (Fin de 1871, ou début de 1872.)


Solange en essaya. Ne créait-elle pas un jardin autour de sa villa Malgrétout ? Elle se mit en quête de plantes rares, les étudia, les acclimata. Elle avait d’ailleurs pour la culture l’instinct et le tact de sa mère. Tout venait à merveille sous ses doigts : son jardin révélait ses dons d’artiste, comme chez d’autres femmes la coupe d’une robe, ou l’aménagement d’un salon. Sa villa elle-même, bâtie en partie avec le gain que lui procura la vente d’une fraction de ses terrains, était d’une originalité pleine de saveur. L’intérieur ressemblait à un caprice réussi. « Malgrétout, » la maison était la bien nommée. Et Solange se plaisait dans ce cadre créé à son image. Elle en oubliait ses projets littéraires. Cependant, le 26 octobre 1871, elle annonçait qu’elle commençait un nouveau roman : « Je n’y travaille qu’une heure le soir avant de m’endormir. » Sa mère, le mois suivant, l’interroge sur cet ouvrage ainsi traité comme un somnifère : « Veux-tu songer à travailler un peu ? » Mais Solange, maintenant moins pressée d’argent, se refroidit.