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J’ai reçu de mon mari une lettre d’adieu, pour ainsi dire une demande de pardon, fort touchante. (7 décembre 1870.) — Clésinger a passé par ici, il y a six semaines, cherchant à former un corps… Il a été bien, et convenable. (6 février 1871.) — J’ai oublié de te dire pourquoi Clésinger t’avait envoyé à ses frais un officier pour t’engager à quitter Nohant. (16 février 1871.)


Cet officier, un Polonais nommé Stefan Poleski, lieutenant de Clésinger, s’était présenté de sa part à Nohant, le 15 décembre, pour persuader à George Sand de fuir, et pour protéger son départ. Mais George Sand, qui allait et venait avec son calme habituel, pendant que Maurice organisait ses paysans mobilisés, était alors absente. « Je ne l’ai pas vu ; j’étais absente pour deux jours. Je ne comprends pas davantage cette visite d’un étranger, venant m’offrir des services que je n’ai pas demandés. » (31 décembre 1870.) Stefan Poleski en fut pour un billet qu’il écrivit à l’auberge, et qu’il data ainsi : au Bouchon, Nohant, ce 15 décembre 1870.

Durant ces tristes mois, les deux femmes échangent leurs impressions, — révolte d’un côté, grave résignation de l’autre, — et elles partagent leurs ressources. Solange a ses maçons sur les bras ; mais la littérature de Nohant, d’autre part, ne va guère. Le 12 février, George Sand annonce qu’un obus a éclaté dans la maison où elle a son pied-à-terre, rue Gay-Lussac. Heureusement la vieille Martine a été épargnée, et l’appartement reste à peu près sauf. Après la Commune, on fait la revue des amis survivans, des disparus. Et, tandis que Solange, ulcérée à la vue de ces ruines qui exaspèrent sa patriotique douleur, se répand en cris de honte et de rage, George Sand, songeant plus haut, visant plus loin, a déjà repris le sillon interrompu. Certes elle a souffert ; mais elle prévoyait : « Quel dénouement à cette aventure de l’impérialisme ! Il était si prévu qu’il ne m’étonne pas plus que quand les dénouemens logiques de mes romans se placent tout seuls sous ma plume. Je m’attendais à ces désastres, à ces douleurs. Ils n’en sont pas plus doux pour avoir été vus d’avance. » (Printemps de 1871.) En attendant que l’aube du lendemain s’éclaire, elle travaille. Et elle reprend, avec sa fille, son habituelle question : « Travailles-tu ? Il faut écrire n’importe quoi. Tu fais des progrès de forme, d’expression et de raisonnement. Il faut tirer de soi ce que l’on a. » (22 juin 1871.) Si Solange n’a pas encore le cœur au roman, quelle occupe son esprit à une étude quelconque, à la botanique par exemple, pour laquelle