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celle-ci répondait : « Débarrasse-toi d’un certain prétentieux de la Renaissance… En vers, c’est différent. Rassemble donc ceux que tu as faits en imitation de Charles d’Orléans. Fais-en d’autres, et on peut voir à les publier. Mais, pour écrire en prose, oublie cette manière. »

Ces lignes sont du 22 juillet 1870. La guerre venait d’être déclarée. Cette fois, si les projets de Solange avortèrent, l’excuse était majeure. Les événemens qui allaient se précipiter ont valu à la France d’autres pertes.


VI

On sait quel livre attachant une femme distinguée a écrit sur l’histoire d’une famille française pendant la guerre[1]. On pourrait en écrire un autre sur George Sand et sa famille durant l’année terrible. Les élémens principaux en sont épars dans les correspondances déjà parues, notamment dans les lettres à M. Henry Harrisse. Mais celles de George Sand à sa fille, et surtout celles que Solange épouvantée adresse de Cannes à Nohant pendant la marche de l’invasion vers le centre de la France, et celles, plus vibrantes encore qu’elle écrit de Paris après les horreurs de la Commune, apporteraient à cet ensemble une contribution de valeur. Les dangers que sa mère peut courir affolent Solange, qui supplie instamment tous les hôtes de Nohant de la rejoindre. Le même sentiment ramène en scène un grand coupable, auquel il faut tenir compte de son empressement et de ses offres de services, à savoir Clésinger. L’ancien cuirassier se réveillait sous le sculpteur. À cinquante-sept ans, notre artiste réalisait une dizaine de mille francs, lançait des proclamations à Besançon, équipait à ses frais un corps franc, qui tombait en deux combats presque tout entier sous les balles prussiennes autour de Beaune-la-Rolande ; puis, ayant versé le reste de ses hommes dans l’armée régulière, il s’inquiétait d’opérer le sauvetage de Nohant, et poussait une pointe vers Solange. Et Solange, chauvine dans l’âme, reconnaissante à son mari de son courage et de sa sollicitude, l’accueillait quelques jours à Cannes, affectueusement.

  1. Mme L. Boissonnas : Une Famille pendant la guerre (Hetzel).