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qu’en 1851. Bossuet « l’abrutit ; » elle en devenait « innocente ! » Cette seule idée la fait frémir. Une dernière allusion, plaisante cette fois, aux « ouvrages » de Solange, d’après une conversation de George Sand avec un paysan, — en automne 1861 ; — puis, au mois de janvier 1862, tout à coup, un grand silence. Ou, du moins, un grand trou. Les lettres manquent sur un espace de sept années, et nous ne ressaisissons la correspondance, de part et d’autre, qu’en 1869.


V

Nous ne chercherons pas trop diligemment à combler cette lacune. Si le lien se détendit entre les deux femmes, ou si les lettres ont été supprimées par la principale intéressée, c’est sans doute pour des raisons intimes ; il serait d’autant plus ou indiscret ou superflu de les chercher, qu’il est loisible de les soupçonner. À ces années correspond la période où Solange, dans la plénitude de son originale beauté et de son esprit cinglant, eut un salon littéraire, rue Taitbout, dans une sorte de piquante « garçonnière » qui confinait aux jardins de l’hôtel Rothschild. Un habitué de ce salon, bon juge en fait d’esprit et de femmes, nous dit[1] que dans ce salon, presque exclusivement viril, « il se dépensa prodigieusement d’esprit, avec une spontanéité et une liberté dignes du siècle passé. » Nous le croyons sans peine, non seulement à cause de la présence fréquente de J.-J. Weiss, d’Hervé, de Gambetta, de Laurier et d’Henry Fouquier lui-même, mais encore et surtout grâce à la nature de la maîtresse de maison, qui ne ressemble à rien, sinon à certaines femmes du XVIIIe siècle. Cette nouvelle vie, soutenue d’élégance et d’aisance soudaines, n’était pas de nature à faire croître l’intimité entre George Sand et sa fille.

Passons donc, et bornons-nous à noter que, lorsque les rapports reprirent, ou du moins à la date où il nous est permis de les ressaisir, en 1869, la vie avait légèrement modifié la situation respective des deux femmes. George Sand avait eu la joie de marier son fils, avec la fille d’un ami très dévoué, très estimé. Sa belle-fille, cette Lina Calamatta, qu’elle peint avec une grâce charmante dans ses lettres à Dumas fils, avait pris

  1. Article d’Henry Fouquier dans la Liberté, du 7 novembre 1899.