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encore, au début de mai ; le 31 mai, elle l’abandonne définitivement. Un billet de la maréchale Randon, sur la difficulté de forcer le règlement des Archives de la Guerre, en est le prétexte.


Pauvre maréchal de Saxe, s’écrie Solange ! On va encore dire que je commence trente-six choses et n’en finis jamais une seule ! Mais dame ! cette fois-ci, ce n’est pas ma faute ! Voici ce que la maréchale Randon me répond. Je ne peux pas entrer par escalade au Dépôt de la Guerre. Il me faudra attendre un changement de ministre pour renouveler ma tentative !


Piètre excuse ! c’était le cas, ou jamais, de montrer ses talens de stratégie. Solange était plus sincère lorsqu’elle s’alarmait de découvrir tant de choses à apprendre sur son sujet, et craignait d’en avoir jusqu’à quatre-vingts ans ! Trop amorcée cependant au travail de la plume pour reprendre simplement l’éventail et les mouches, elle se rabat sur l’article à faire, chose qui lui a déjà réussi. Elle essaie d’entrer au Figaro ; peine perdue, tout y est pris. Alors, elle fera « de l’esprit à six sous la ligne » au Courrier de Paris, sous le pseudonyme, presque transparent pour des Berrichons, de « Dubois de Vavray[1]. » Bientôt, le Courrier est son débiteur de six cents francs. Quand elle se dispose à toucher la somme, en septembre 1860, le Courrier est suspendu par ordre, sa rédaction dispersée ; c’est la faillite. Et Solange trouve que c’est à vous dégoûter d’avoir de l’esprit.

La correspondance entre la mère et la fille devient dès lors un peu plus flottante. Pendant l’été de 1860, George Sand avait éprouvé une fatigue très sérieuse, très persistante. Pour s’en remettre, elle projetait de prendre encore un de ces bains d’atmosphère méridionale, qui lui réussissaient toujours. Moins loin que la Spezzia, toutefois. C’est à Tamaris, aux portes de Toulon, près du dévoué Poncy, qu’elle s’installait maintenant, de mi-février à fin mai, ou début de juin (1861). Elle avait fini Valvèdre, elle allait écrire Tamaris. De son nouvel ermitage, elle adressait à sa fille de magnifiques descriptions de l’ « énergique printemps » du Midi, et sans doute aussi quelque invitation au travail sérieux : car les réponses de Solange parlent de ses lectures et contiennent plus d’une irrévérence sur Bossuet : elle se reprend à le lire, avec plus d’insuccès encore

  1. Le bois de Vavray, près de Nohant, est celui où George Sand a placé une partie de l’action de Valentine.