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GEORGE SAND ET SA FILLE
D’APRÈS
LEUR CORRESPONDANCE INÉDITE[1]

III
APRÈS LE DEUIL. — VOYAGES. — ESSAIS LITTÉRAIRES
DERNIÈRES LETTRES (1855-1873)

»Je l’ai mise au monde, je l’ai nourrie, fouettée, adorée, gâtée, grondée, punie, pardonnée, et avec tout cela je ne la connais pas du tout… »
(G. Sand à Solange, 16 juin 1858.)


I

La mort subite de Jeanne Clésinger (13 janvier 1855), au début d’une année qui semblait pleine de promesses, avait foudroyé la mère et la grand’mère. La correspondance de George Sand et de Solange nous montre la persistance de cette prostration. « Je vais tous les jours pleurer dans le chalet toute seule, écrit George Sand le 12 février. Je ne peux pas prendre le dessus. Je suis trop vieille pour me consoler. » Encore la grand’mère est-elle moins à plaindre que la mère. Car cette mère, en perdant son enfant, a perdu la direction même de sa vie. Elle est libre, il est vrai, après avoir été esclave de son mari, et esclave maltraitée. Mais cette liberté, qu’en faire désormais ? L’ennui, le dévorant ennui, cet ennemi personnel qui la poursuit depuis l’adolescence ne va-t-il pas de nouveau s’abattre sur elle ? Quel but assigner à sa

  1. Voyez la Revue du 15 février et du 1er mars.