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animaux par le travail des microbes de la putréfaction. Les inscriptions murales comme les papyrus sont muets sur ce point et ne peuvent en rien faciliter la solution de ce problème obscur. Il nous est malheureusement presque impossible, au XXe siècle, de pénétrer dans les idées ou la foi religieuse des hommes qui vivaient il y a sept ou huit mille ans ; qui se trouvaient dans des conditions biologiques absolument différentes de celles où nous vivons actuellement ; et chez lesquels la vitalité des croyances premières devait se transmettre de générations en générations avec une énergie toute spéciale. Nous ne pouvons admettre, comme le fait remarquer M. Pierret, que ce peuple, dont les anciens sont unanimes à vanter la sagesse, ait adoré les animaux. Aucun texte, aucune inscription ne peut faire croire à une pratique aussi absurde pour des hommes si bien doués. Quelques savans pensent que les Egyptiens n’étant pas capables de différencier par l’expression du visage humain les membres de leur Panthéon, ont placé sur les statues de leurs dieux des têtes d’animaux afin de mieux les distinguer les uns des autres. Ces animaux seraient ainsi devenus sacrés et auraient été l’objet d’un culte superstitieux, exploité plus tard par la classe des prêtres. Il n’est évidemment pas possible d’accepter cette explication. Les Egyptiens, de tout temps, ont été d’habiles sculpteurs, des artistes de premier ordre. La statuette du scribe du Louvre, celle du Cheik el Beled du Caire, ainsi que les admirables bas-reliefs de la tombe de Ti, ou ceux du temple de Nefertari à Abou Simbel, ne permettent pas de croire que ce soit par impuissance à différencier les traits de leurs dieux, que les Egyptiens ont affublé ces derniers de têtes d’animaux. Je crois que c’est bien plutôt le privilège attribué aux dieux de pouvoir revêtir telle ou telle forme animale, qui les a fait représenter avec ces masques bizarres, à peu près toujours les mêmes, mais pouvant cependant changer suivant les localités ou les époques de la vie du peuple. Les dieux, comme les hommes, pouvaient s’incarner dans certains êtres ; cela résulte directement du dogme de la métempsycose, auquel on a paru jusqu’ici attacher trop peu d’importance.

Les Egyptiens, en effet, croyaient à la transmigration de l’âme humaine dans le corps des animaux. Certains chapitres du Livre des Morts sont consacrés à la transformation île l’homme en épervier, vanneau, hirondelle, serpent, crocodile, lotus, etc.